Pays basque : les silex racontent le passé

Une équipe d’archéologues a retracé la vie préhistorique. La construction de la clinique peut débuter.

Sous un soleil de plomb, les archéologues effectuent les dernières fouilles et étiquettent leur butin. Leur travail de recherches sur le terrain de la future clinique Capio de Bayonne est terminé, et ils se retirent, laissant le champ libre aux grues et aux pelleteuses des ouvriers qui vont pouvoir commencer la construction du bâtiment.

Après un mois et demi de fouilles, l’équipe de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) est plutôt satisfaite de sa récolte. Des 400 mètres carrés de terrain passés au peigne fin, ils rapportent plusieurs kilos de silex et de roches taillés par les hommes préhistoriques.

Des silex dont la forme, la disposition et la profondeur dans le sol permettent de reconstituer la vie des hommes de Neandertal. Ils racontent une histoire vieille de plus de quarante mille ans : «Les hommes du Moustérien vivaient en groupes nomades», raconte David Colonge, le responsable Inrap des fouilles, en déballant ses plus beaux silex.

«Ici, ils reconstituaient leur stock d’outils : ils taillaient couteaux et petites haches dans de gros blocs de silex.»

Anomalie

David Colonge pointe du doigt un silex blanc : «Celui-là servait à couper le bois et les articulations animales.» Un autre, moins émoussé : « Celui-là, à racler la chair animale.» Encore un peu, et on connaîtrait le menu du dîner.

Autre certitude : il y a quarante mille ans, contrairement à aujourd’hui, les hommes n’ont pas été séduits par la région au point de s’y installer.

Les traces d’occupation relevées sont trop légères pour des sédentaires : les campements des chasseurs-cueilleurs sont de petite taille, et il n’y a aucune trace durable de feu. Dans les trois terrains fouillés au Prissé, les pièces découvertes se ressemblent – ce qui consolide les hypothèses de mode de vie de ces ancêtres lointains.

Une seule anomalie : la découverte de silex plus récents- datant de vingt mille ans, tout de même- taillés bizarrement.

Si les doutes de l’équipe sont vérifiés, ce serait une première : les fouilles du terrain confirmeraient que des hommes du Solutréen, une période paléolithique, auraient mis les pieds dans la région. «On pourrait affirmer que ces hommes sont passés par ici, ce qu’on ignorait totalement», s’enthousiasme David Colonge.

Transition en douceur

Abandonner le terrain quand on sait qu’il recèle encore beaucoup de surprises n’est pas facile. Pourtant, la transition entre archéologues et ouvriers se fait sans animosité.

Un procédé de bons échanges : les constructeurs ont le droit d’utiliser des terrains remplis de vestiges pour bâtir, à condition, depuis 2008, de laisser à l’Inrap du temps, en amont, pour extraire du sol une partie des richesses du patrimoine.

Article d’Alix Hardy paru dans Sud Ouest le 02/08/13. Source : http://www.sudouest.fr/2013/08/02/les-silex-racontent-le-passe-1131061-4018.php

Dans notre série hommage à la Fédération Historique du Sud-Ouest, nous vous invitons à découvrir quelques contributions tirées de Bazas et le Bazadais : occupation du sol, histoire, art économie,  actes du XIIIe Congrès d’études régionales tenu à Bazas les 7 et 8 mai 1960, publiés en 1961 :

Sur le nom « vasates », par R. Lafon

Le peuplement du bazadais méridional de la Préhistoire à la conquête romaine, par J.-B. Marquette

La nécropole mérovingienne de la place Saint-Martin à Bazas, par L. Cadis et J. Coupry

Châteaux du bazadais et châteaux du sud-ouest gascon de 1250 à 1330, par J. Gardelles

Si vous êtes en train de lire ce blog, c’est qu’en principe, le Patrimoine de votre région vous intéresse -à moins que votre passage ici ne soit lié à un caprice des moteurs de recherches et à une indexation hasardeuse-.

A moins que ce ne soit déjà le cas, nous vous recommandons d’intégrer le réseau associatif des sociétés savantes régionales afin de vous permettre non seulement de vous tenir au courant de la vitalité des recherches locales, mais aussi éventuellement de vous permettre de publier sur un sujet qui vous intéresse.

En Aquitaine, quel que soit le département où vous vous trouvez, il y en aura au moins une pour satisfaire votre curiosité. Wikipédia en dresse une liste non exhaustive : http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_soci%C3%A9t%C3%A9s_savantes_d%27histoire_et_d%27arch%C3%A9ologie_en_France

Créée en 1876, la Société de Borda est aujourd’hui forte d’environ 1200 adhérents, soit une des plus importantes du Sud-Ouest. Chaque trimestre, elle publie un bulletin, regroupant des articles richement documentés (illustrations en noir et blanc et en couleur) sur des thématiques aussi diverses que l’Histoire, la Géographie, la Botanique, la Géologie, l’Archéologie, le Folklore etc. en relation avec le département des Landes. Hélas, beaucoup de landais, surtout à Mont-de-Marsan et ses environs, imaginent que la Société de Borda née et basée à Dax, n’est qu’un regroupement d’érudits dacquois vieillissant devisant entre eux du Patrimoine de Dax. Que nenni! Si la Société de Borda est bien née à Dax, la grande majorité des articles publiés ne traitent pas de Dax. De plus, la Société de Borda tient des réunions mensuelles publiques et gratuites un peu partout dans les Landes avec des conférences en relation avec la commune d’accueil ou son terroir proche. Enfin, si effectivement, à l’instar des sociétés savantes en général, la moyenne d’âge des adhérents et élevée, le Président actuel -et une bonne partie des membres du Conseil- a moins de 60 ans. Par ailleurs, des étudiants présentent régulièrement leurs travaux au cours des réunions mensuelles ou assistent en spectateurs à ces dernières.

L’adhésion se fait par paiement d’une cotisation annuelle qui donne droit à réception des bulletins trimestriels. Alors, n’hésitez plus, agissez pour votre Patrimoine et la sauvegarde de la mémoire de votre terroir et adhérez à la Société de Borda!

Lien : http://www.societe-borda.com/

 

Post Scriptum : nous avons rédigé ce billet en réaction d’une certaine manière à des « landais » du pays de Maremne vus dans un reportage récemment sur la chaine M6 (la rediffusion en ligne du reportage : http://www.m6replay.fr/emissions/#/zone-interdite/11305138-invasion-de-touristes-quand-les-habitants-se-revoltent). Ils se prétendaient landais, fiers de leur « identité », rejetant touristes et tout ce qui n’était pas à leurs yeux « landais », n’hésitant pas à dégrader des véhicules ou limitant finalement leur seule vision du Patrimoine local à des vagues et des bouts de plage qu’il faudrait à tout prix défendre contre d’improbables envahisseurs. Nous doutons fort qu’avec une telle optique, ces personnes adhérent un jour à la Société de Borda comme action « positive ». Mais il nous est apparu important de montrer aux lecteurs de ce blog que l’on peut aussi aimer un terroir et agir intelligemment. Les Landes n’ont aucune historicité, c’est un territoire créé de toute pièce arbitrairement à la Révolution. Tout en rejetant toute forme de xénophobie et de localisme, s’il avait été juste d’un point de vue historique de mettre en avant un territoire, ces bien tristes sires auraient été bien avisés de parler éventuellement de Gascogne. Mais quand on voit que les plaques d’immatriculation 32 (Gers) étaient arrachées au même titre que des plaques plus lointaines, on comprend à quel point leur connaissance de l’identité landaise, de l’Histoire de leur terroir est proche du néant. Même le chant qu’ils ont entonné n’était pas l’hymne landais pourtant bien connu dans le département, chanté par les anciens dans les réunions de famille ou à un comptoir de bistrot après une partie de quille ou de belote.

Ibos. Une journée pour remonter le temps

En partenariat avec l’Institut d’études occitanes, la municipalité réalise un film sur la mémoire d’Ibos, «Ibos d’hier à aujourd’hui»… Une trentaine d’habitants «ressource» ont été interviewés pour raconter leur village… Plus d’un a évoqué les fouilles entreprises lors de la construction de l’autoroute, en parlant d’une foule d’objets trouvés, mais en hésitant parfois sur certains faits…

Un comité de pilotage (Jean Salles, Jean Bourdette, Gilbert Miqueu, Geneviève Gaye, Léon Corbères, Denis Fégné et Gisèle Vincent) a été constitué pour participer à l’élaboration du film. Afin de coordonner l’ensemble des confidences, une voix off présentera des points de repères historiques et chronologiques.

Aussi, les membres du comité de pilotage ont-ils jugé utile de faire le voyage jusqu’à Bordeaux, au superbe musée d’Aquitaine, afin de filmer tous les objets qui y sont présentés et qui ont été trouvés dans le tumulus situé sur le plateau de Ger et qui abritaient 59 sépultures : des poteries, des urnes funéraires, des bijoux, des armes… datant du premier âge du fer (700 à 450 avant JC). Certains sont rares, voire uniques dans la région.

En fait, seulement une trentaine d’objets sont exposés. Et les personnes présentes ont eu la chance d’accéder aux réserves qui abritent des centaines de pièces venues d’Ibos. Si plusieurs sont en cours de restauration et rejoindront sous peu la vitrine du département préhistoire et protohistoire, la grande majorité restera encore longtemps à l’abri des regards, faute de budget.

Cette visite a été exceptionnelle car commentée par deux guides exceptionnels, MM. Mistrot, conservateur du département préhistoire et protohistoire du musée, et Ménétrier, responsable de collections au musée Bigorre et Quatre Vallées de Tarbes.

Une expo à Ibos ?

Ils ont aussi expliqué pourquoi ces objets sont conservés si loin d’Ibos. Ils sont fragiles, nécessitent une conservation dans des conditions spécifiques de température, de taux d’humidité et de luminosité et sont régulièrement surveillés pour être restaurés si besoin. Autant de conditions qui ne peuvent être réunies au plus près qu’à Bordeaux, pour l’instant, et qui font que peu d’Iboscéens savent à quoi ressemblent ces trouvailles. Cela dit, les journées du Patrimoine 2014 pourraient bien remédier à cette situation. On s’est laissé dire que les vitrines pourraient voyager. Au retour d’une exposition temporaire à Madrid, elles pourraient bien venir passer l’automne au pied de la collégiale.

Article de Gisèle Vincent paru dans La Dépêche le 23/07/13. Source : http://www.ladepeche.fr/article/2013/07/23/1676413-ibos-une-journee-pour-remonter-le-temps.html

Vincent Mistrot, conservateur des sections Préhistoire et Protohistoire du Musée d’Aquitaine, a tenu à apporter la précision suivante sur la page Facebook de la section Préhistoire du Musée d’Aquitaine :

« ce n’est pas « faute de budget » que le matériel d’Ibos n’est pas entièrement présenté, mais faute de place ! Il est impossible dans quelques centaines de m² d’exposer les 1 ou 1 200 000 d’objets présents dans les collections de Préhistoire du Musée d’Aquitaine. Un choix est obligatoire et les expositions temporaires permettent de montrer ces trésors cachés ! »

L’énigme du Castéra

La cinquième campagne de fouilles à la plateforme ovalaire s’achève avec, pour les archéologues et étudiants de l’université de Bordeaux 3, un sentiment de satisfaction sur le travail réalisé durant cette campagne.

C’est en 1985 qu’une photographie aérienne d’un champ dans la palus, partie comprise entre le CD 10 et la Garonne, au lieu « Castéra » révèle la présence de ce que l’on a considéré – à tort d’ailleurs – être une motte féodale.

En 2006, une campagne de prospections géophysiques permet de préciser l’image aérienne et l’ouverture en 2007 d’un chantier archéologique mené par le Centre Ausonius et des étudiants en archéologie et histoire de l’Université Bordeaux 3.

Trois autres campagnes (2008, 2010, 2012) permettent de dater l’occupation du site entre la fin du XIe et le début du XIVe siècles (1) et de définir sa caractéristique qui se révèle être une plateforme ovalaire protégée par un fossé et une enceinte arasée, à sa base, en terre massive.

Un type d’habitat méconnu

« Ce site permet de mettre en évidence des structures d’un type encore méconnu et de mieux connaître la culture matérielle d’une résidence aristocratique à une période assez mal documentée dans la région » explique Sylvie Favarel, maître de conférences à l’Université Bordeaux 3.

Pour cette campagne 2013 elle a été secondée par trois archéologues – c’est dire l’importance des fouilles – Samuel Virelli, responsable secteur, Lisa Maccanin et Jérémy Bonnenfant. Sous leur conduite une dizaine d’étudiants en archéologie ont réalisé de très nombreux relevés, tracés, croquis, afin de rassembler les preuves de vie du lieu. Pour Samuel Virelli, « rien n’atteste la présence permanente des seigneurs d’Escoussan sur ce lieu, mais plutôt celle d’une petite garnison en charge du contrôle de la route, l’actuel CD 10 et de la Garonne ». Outre la collecte des taxes reversées à la famille Escoussan, premiers seigneurs de Langoiran, la troupe avait un effet dissuasif.

Exploré à 25 % seulement.

Au fil des fouilles si la plateforme révèle sa géométrie, elle livre aussi une partie de son histoire par la découverte de fragments de poterie et céramique et restes alimentaires.

Samuel Virelli explique que 2013 a porté sur une extension des fouilles vers l’enceinte de la plateforme et de sa construction intérieure. Plusieurs endroits attestent de la présence de foyers de chaleur, un mur délimite un habitat.

Aujourd’hui le chantier s’étend sur un peu plus de 400 m² ce qui est peu par rapport à la surface totale « qui doit être entre trois ou quatre fois plus grande », nous dit l’archéologue.

Ces fouilles rentrent dans un programme de recherches sur les résidences aristocratiques entre Dordogne et Garonne, elles sont subventionnées par le ministère de la Culture et le Conseil régional avec le concours du Service régional d’archéologie et de Bordeaux 3.

(1) L’abandon présumé du castrum du Castéra, début XIVe siècle, correspondant avec le début de la construction, fin XIIIe siècle, par Bérard d’Escoussan de l’actuel château médiéval.

Article de Gilbert Habatjou paru dans Sud Ouest le 26/07/13. Source : http://www.sudouest.fr/2013/07/26/l-enigme-du-castera-1124815-2931.php