Nous traitions hier dans ce blog du très intense relais médiatique occasionné par la mise au jour d’une sépulture du Premier Age du Fer dans la dune du Pilat. Aujourd’hui 9 avril, cela continue et la qualité des articles est toujours aussi variable. Hélas, le pire côtoie le moins pire (pas de bons articles dans la mesure où tous les quotidiens et sites de radios n’ont fait que reformuler chacun à leur sauce l’information mise en ligne par France Bleu Gironde lundi matin).

La palme de l’article le plus stupide est à décerner à la page nautisme du Figaro. Ce dernier se permet de relayer l’info sous le titre « Chasse au trésor dans les dunes« . Titre ô combien malheureux en ces temps de pillages récurrents de sites archéologiques. Et je ne pense pas que Philippe Jacques, archéologue lot-et-garonnais à la longue carrière irréprochable, trouvera amusant de se voir comparer à un chasseur de trésor, autrement dit à un pilleur (oui, les pilleurs qui se font appeler chasseurs de trésors trompent facilement le grand public et les médias en jouant la carte de l’aventurier doux dingue, renvoyant à des rêves d’enfance et des récits dignes de Stevenson… sauf qu’il ne s’agit que d’une histoire bien terre à terre de gros sous, point barre. Et c’est encore pire quand ces individus malfaisants agissent en toute impunité dans des pays lointains, en Amérique latine par exemple, dépossédant les pays visités d’une partie de leur Patrimoine.).

Nous passerons rapidement sur les absurdités type « Leur temps de recherche est compté car les côtes sableuses reprennent du volume avec des dépôts de sable et de galets pendant la saison estivale. » Des galets dans la dune du Pilat? c’est nouveau, ça!

L’article se termine par un rapide panorama des différentes découvertes générées par les conditions climatiques particulières de l’hiver dernier en Europe de l’ouest (ciel! une contextualisation!), osant à la fin jouer sur la même thématique qu’avec le titre : « Les chasseurs de fossiles ont leur nouvel eldorado. » à propos de la plage fossilifère du Dorset (Angleterre), sous-entendu « y a plus qu’à se servir! ». Non, non et non! Il est loin le devoir d’exemplarité, elle est loin l’information sérieuse où l’on n’hésite pas à documenter son sujet d’un arrière plan juridique : on ne fait pas ce que l’on veut ni sur un site archéologique, ni sur un site paléontologique. Il y a des lois, il y a des codes, que ce soit en France ou ailleurs pour protéger ce qui appartient à la collectivité et non à de fumistes déterreurs d’artéfacts soucieux au mieux de remplir les vitrines de leur salon dans un élan d’onanisme mégalomaniaque, au pire de tirer bénéfice de leurs découvertes.

Monsieur ou Madame la quoi d’ailleurs? journaliste? pigiste? aligneur de mots en espérant que cela aura un sens? occupez-vous de nautisme, de loisirs de privilégiés, éventuellement de vagues et d’écumes si malgré ce que laisse penser votre prose, un peu d’inspiration vous anime, mais de grâce, arrêtez de parler d’archéologie, vous n’y entendez rien.

L’été dernier, nous abordions pour la première fois sur ce blog la question des ressources du net en matière de mise en ligne de publications (nous parlons bien entendu de publications dans des revues spécialisées à comité de lecture). Nous avions évoqué HAL.

Les revues choisissent elles-mêmes depuis quelques années de mettre en ligne leurs numéros, hors les plus récents pour des raisons évidentes. En fait, beaucoup ont fait le constat qu’il est difficile d’arriver à vendre les numéros vieux de quelques années à peine et que donc, il n’était pas préjudiciable d’un strict point de vue commercial de mettre à disposition gratuitement la production scientifique. C’est ainsi qu’un site comme Persee a pu se structurer et connaître une croissance (et une audience) phénoménale, malgré le risque de fermeture qui a un temps pesé sur lui. Histoire, archéologie, histoire de l’art etc. sont au rendez-vous. Il faut malgré tout s’habituer à l’absence dans certains articles des illustrations pour d’obscures raisons de droit d’auteur, mais c’est de plus en plus rare. Concernant les revues, on peut tout aussi bien y trouver les Bulletins de la Société Préhistorique Française que la revue Archéologie du Midi Médiéval ou bien le Bulletin Monumental, Culture et musées etc. Les statistiques d’archivage de novembre 2013 parlent d’elles-mêmes  : 127 collections complètes, 18 276 fascicules, 3 563 464 pages pour un volume de 14,32 Tera octets! Bref, vous l’aurez compris, un site incontournable!

Les réseaux sociaux étant devenus incontournables dans la vie de la plupart des utilisateurs d’internet, il ne manquait plus qu’un réseau social se créé autour de la production scientifique. Sur ce principe, un tel réseau social permettrait d’une part de créer sa propre page mettant en avant ses compétences tout en invitant l’internaute à consulter ses articles, livres ou mémoires (ou au moins des résumés et des extraits) et d’autre part, de se constituer un réseau virtuel au gré des affinités thématiques. C’est sur ce principe qu’est né le réseau international Academia, le site le plus dynamique du moment reposant sur la bonne volonté des inscrits dans la mise à disposition de leur propre production scientifique. Si la plupart des inscrits joue le jeu, d’autres (généralement les étudiants n’ayant pas encore  publié) se contentent d’une page vide : en fait, l’inscription permet de télécharger sur son disque dur les articles mis en ligne. Sans inscription, on se contente de lire en ligne, ce qui est déjà pas mal! L’inscription permet de lister ses propres centres d’intérêt et de bénéficier d’avertissements réguliers concernant les nouvelles mises en lignes en rapport avec eux. Par ailleurs, on peut indiquer vouloir suivre tel ou telle chercheur afin de se tenir au courant des dernières publications par eux mises en ligne. Sur ce réseau, vous y trouverez quelques membres du Club Dubalen. Nous voudrions attirer votre attention sur deux chercheurs régionaux en particulier, ô combien méritant dans leur volonté de diffuser leurs travaux. Dans notre autre post, nous écrivions déjà à propos de la préhistorienne Morgane Dachary. Celle-ci, inscrite l’année dernière sur le réseau Academia a mis en ligne sur sa page pas moins d’une vingtaine d’articles et rapports, en grande partie dédiés à ses recherches menées sur le Magdalénien et la Préhistoire récente dans les Pyrénées occidentales au cours de ces quinze dernières années : https://univ-tlse2.academia.edu/MorganeDachary  Dans le domaine de l’archéologie historique, comment passer à côté de la production d’un chercheur aussi talentueux et sympathique que François Réchin? Maître de conférence hors classe (et hors pair!) en Histoire antique et en archéologie à l’université de Pau et et des Pays de l’Adour, il est spécialisé sur la céramique antique de l’Aquitaine méridionale et plus largement sur les dynamiques du peuplement aquitano-romain du piémont pyrénéen, tant au niveau de la fabrique des cités que de l’implantation et de l’évolution des grands domaines ruraux. Lui aussi propose sur sa page (http://univ-pau.academia.edu/Fran%C3%A7oisR%C3%A9chin) une vingtaine d’articles et nous nourrissons l’espoir qu’un jour sa thèse (La vaisselle commune d’Aquitaine méridionale à l’époque romaine. Contexte céramique, typologie, faciès de consommation.) rejoigne cette liste…

(à suivre)

 

Émoi dans les médias régionaux et nationaux : une sépulture a été mise au jour dans la dune du Pilat (Gironde) suite à l’érosion massive subie par le littoral cet hiver.

C’est d’abord France Bleu Gironde qui s’est fait l’écho de la découverte dès le 7 avril au matin, sous le titre « Découverte probable d’une nécropole de l’âge du fer sous la Dune du Pilat« , interview de l’archéologue lot-et-garonnais Philippe Jacques à l’appui (il est le premier à être intervenu après qu’un touriste ait signalé la présence de la sépulture à l’air libre) : http://www.francebleu.fr/infos/fouilles-archeologiques/decouverte-probable-d-une-necropole-de-l-age-du-fer-sous-la-dune-du-pilat-1424845

L’après-midi, le quotidien Sud Ouest reprenait l’information sous le titre « Découverte probable d’une nécropole de l’âge du fer sous la Dune du Pilat » (le même que France Bleu) : http://www.sudouest.fr/2014/04/07/decouverte-probable-d-une-necropole-de-l-age-du-fer-sous-la-dune-du-pilat-1518526-2733.php

Un heure après, le quotidien 20Minutes y allait aussi de son article sous un titre différent avec l’accroche catastrophiste du moment « Les tempêtes de l’hiver révèlent une urne funéraire au pied de la dune du Pilat » : http://www.20minutes.fr/culture/1345101-les-tempetes-de-l-hiver-ont-revele-un-site-archeologique-au-pied-de-la-dune-du-pilat

Puis, dans l’heure suivante, c’était le site de TF1 qui se faisait aussi l’écho de la découverte sous le titre ironique « Dune du Pilat : merci l’érosion ?! » : http://lci.tf1.fr/science/histoire/dune-du-pilat-une-necropole-de-3000-ans-probablement-decouverte-8395931.html

Le soir-même, FranceInfo prenait le risque de majorer la découverte « Dune du Pilat : une découverte archéologique majeure » : http://www.franceinfo.fr/actu/dune-du-pilat-une-decouverte-archeologique-majeure-1378087-2014-04-07

Et aujourd’hui, 8 avril, ça continue.

Dès ce matin 8h, Francetv Info publiait en ligne l’article « Une urne funéraire de l’âge de fer découverte sur la dune du Pilat » : http://www.francetvinfo.fr/culture/une-urne-funeraire-de-l-age-de-fer-decouverte-sous-la-dune-du-pilat_571592.html

Deux heures après, le quotidien La Charente libre attrapait la balle au bond sous le titre trop détaillé « Dune du Pilat: découverte d’une urne funéraire, indice probable de la proximité d’une nécropole » : http://www.charentelibre.fr/2014/04/08/dune-du-pilat-decouverte-d-une-urne-funeraire-indice-de-la-proximite-d-une-necropole,1889463.php

Et deux heures plus tard, vers midi, la radio Europe 1 mettait en ligne son propre article sur le sujet sous le titre « Une « découverte archéologique majeure » sous la dune du Pilat » : http://www.europe1.fr/France/Une-decouverte-archeologique-majeure-sous-la-dune-du-Pilat-1938653/

Bref, ce n’est qu’un aperçu car l’info continue d’être relayée sur la toile. Quoi de neuf sous le soleil? Cette découverte est-elle si exceptionnelle?

Désolé de tempérer l’ardeur des journalistes, mais non, il n’y a rien d’étonnant, ni dans la présence de vestiges dans la Dune du Pilat, ni dans l’existence possible d’une nécropole dans cette partie de la Gironde. En effet, concernant la Dune du Pilat, on sait depuis longtemps que ce prodige du paysage du littoral girondin s’est formé progressivement depuis quelques siècles à peine et que des traces anciennes de peuplement y sont conservées (ce sont les fameux paléosols) : fours à goudron antiques et médiévaux, habitats de l’Age du fer, structures à sel protohistoriques etc. Concernant le Premier Age du fer, dès la fin XIXe-déb. XXe, les travaux de l’archéologue amateur Bertrand Peyneau (originaire de Mios) mettaient en évidence la présence de plusieurs dizaines de sites de cette période, principalement des nécropoles. Diverses découvertes ponctuelles dans la seconde moitié du XXe siècle sont venues confirmer la probable existence d’un peuplement dense dans la basse vallée de la Leyre entre les 8e et 5e siècles avant notre ère, peuplement venant possiblement préfigurer la constitution du peuple Boïate. Bien entendu, ce fort relais médiatique d’une découverte assez peu extraordinaire (dans les Landes, depuis la fin des années 90, ce sont plusieurs centaines de sépultures de la même période qui ont été mises au jour!) s’explique par le fait que la dune du Pilat est un lieu touristique incontournable, nationalement connu. Cela évoque les vacances et y voir associée la présence presque incongrue d’un site archéologique suscite un émoi finalement assez logique. En plus, cela permet de continuer à évoquer l’érosion littorale, entretenant à demi-mot le catastrophisme déjà largement étalé tout le long de l’hiver dans des articles plus indigestes les uns que les autres.

Nous ne saurions trop conseiller tant aux journalistes mal informés qu’aux internautes inondant de commentaires souvent limites, parfois stupides les bas de pages des articles précités, de lire le mémoire de maîtrise de Marie Bilbao : « Les sépultures du Premier Age du Fer autour du bassin d’Arcachon et de la basse vallée de la Leyre » soutenu en 2005 à Bordeaux 3 dont voici un résumé http://www.archeolandes.com/documents/arcachon_fer.htm (les liens vers les trois tomes du mémoire sont aussi sur cette page). C’est non seulement très documenté, intelligemment mené, mais en plus agréable à lire, ce qui est rarement le cas pour ce type de travail.

Au-delà de la simple découverte, nous sommes quand même relativement inquiets de la soudaine mise en lumière des sites archéologiques du littoral : isolés, non surveillés, ils sont vulnérables. Nous faisons malheureusement le pari que, dans les jours ou les semaines à venir, des pilleurs viendront donner des coups de pelle dans le secteur de la découverte… voire même des curieux venant chercher leur part de rêve comme ces familles démantelant les paléosols de Soulac le dimanche en quête de vestiges, le tout bien entendu dans une complète méconnaissance des lois régissant le Patrimoine archéologique.

Pour finir et contextualiser agréablement cette découverte (il faut d’ailleurs saluer le civisme du touriste ayant signalé la présence de l’urne), nous vous recommandons de lire le catalogue de l’exposition « Six pieds sous terre il y 3000 ans, archéologie des landes de Gascogne« , par Marie Bilbao et Hervé Barrouquère : http://clubdubalen.fr/bibli/6pst.pdf

Samedi 12 avril 2014, programme chargé pour l’après-midi puisqu’en deux lieux du département des Landes auront lieu des conférences en rapport avec le Patrimoine :

_ réunion de la Société de Borda à Nousse (3 kms de Montfort), salle des fêtes, 14 h 30

                               Maurice Gassie : Des communaux aux chênaies de l’Adour dans la Chalosse de Montfort. Le chêne et le jambon.

                               Jean-Pierre Suau : Un tympan de portail landais à redécouvrir dans l’église de Saint-Laurent de Louer.

• Francis Falgat : Éclairage domestique et public en Chalosse au XIXe siècle

• Pé de Peyran, d’après les documents de  Geneviève Lassalle (+).

Entrée libre et gratuite

_ le même jour à partir de 15 heures au Musée Despiau-Wlérick à Mont-de-Marsan, Hervé Barrouquère donnera une conférence sur une production artisanale antique de la Grande Lande, la poix ou goudron végétal. Cette conférence remplace celle d’Anne Zieglé sur la sculpture antique prévue initialement.

article paru dans le quotidien Sud-Ouest ce jour (source :http://www.sudouest.fr/2014/03/25/jau-dignac-et-loirac-le-site-de-la-chapelle-bientot-ouvert-au-public-1503969-2912.php) :

Jau-Dignac-et-Loirac : le site de La Chapelle bientôt ouvert au public

Le site archéologique, connu depuis 2000, pourrait être mis en valeur et accueillir des visiteurs et des randonneurs

Jau-Dignac-et-Loirac : le site de La Chapelle bientôt ouvert au public
Plusieurs campagne de fouilles se sont succédé sur le site © Photo

Archives Maguy Caporal

Le site archéologique de La Chapelle a été découvert en 2000 à l’occasion de travaux viticoles. Autrefois situé sur un îlot de l’estuaire, il se trouve désormais à un peu moins d’un kilomètres des rives.

Une première opération menée par l’Inrap (Institut national de recherche archéologiques préventives) avait permis de révéler un potentiel archéologique important, et des témoins d’une occupation datant de l’Antiquité et continue jusqu’à l’époque moderne. On y décèle notamment un bâtiment funéraire, des vestiges de tombes et l’emprise d’une chapelle. Le site, marqué de drains, semble aussi avoir été protégé contre les inondations.

L’association communale d’archéologie de la Chapelle a été créée voici 13 ans. La terrain a été acheté à la commune à son propriétaire et découvreur du site, Paul Borderon.  Des fouilles y sont menées en collaboration avec le laboratoire d’anthropologie de l’université de Bordeaux 1 et la Direction régionale des affaires culturelles. Chaque année une vingtaine d’étudiants viennent y faire un stage pratique d’archéologie funéraire et d’anthropologie de terrain.

Le site a révélé des sarcophages mérovingiens et un ensemble  funéraire attestant la présence d’une riche nécropole familiale. Boucles, ceintures, bagues, gobelet et divers objets précieux y ont été découverts. Peu à peu l’histoire de cet îlot disparu s’est faite jour, avec un temple puis une chapelle chrétienne médiévale, et un abandon avéré du site au XVIIe.

L’idée est donc aujourd’hui de donner à La Chapelle une existence culturelle et d’ouvrir le site au public. Le chemin sera encore long, les projets sont complexes. La Drac et la CdC Pointe du Médoc pourrait chacune participer (20 000  et 74 000 euros) à la mise en valeur patrimoniale et touristique du site;

Les aménagements prévus seront légers, pourvus de panneaux didactiques, les sarcophages seront mis en valeur. Deux phases de travaux pourraient débuter en 2014 pour se terminer en 2015. Une troisième sera réalisée à plus long terme, un ossuaire afin de redonner une sépulture aux 139 squelettes mis à jour et actuellement étudiées par le CNRS.

Une labellisation Sentiers de randonnée permettra à La Chapelle de figurer sur les guides. Déjà depuis plusieurs années, Didier Coquillas, docteur en histoire et archéologie et médiateur scientifique de l’association Terre et océan, y emmène des randonnées thématiques.