Par Philippe Guillaumie

Un chantier archéologique unique en Aquitaine

Les fouilles, à Ousse-Suzan (40), portent sur une structure exceptionnelle du Bas Empire romain

La fosse sépulcrale de plus de 1 600 ans découverte non loin de la chapelle de Suzan

La fosse sépulcrale de plus de 1 600 ans découverte non loin de la chapelle de Suzan (Philippe Guillaumie)

Longtemps « figés » par la forêt, les sites archéologiques des Landes n’ont jamais été détruits par des travaux de sous-sol mais, dans les années 1980-90, des labours profonds ont fait remonter à la surface des vestiges intéressants. D’où le premier objectif du Cral (Centre de recherches archéologiques sur les Landes), créé en 1984 par Jean-Claude Merlet et Bernard Gelibert : repérer les lieux susceptibles d’abriter des sites archéologiques, la « prospection » consistant à surveiller au maximum les labours forestiers (à noter aussi que, paradoxalement, les tempêtes de 1999 et de 2009, si cruelles et si dévastatrices qu’elles fussent, s’avérèrent un précieux auxiliaire pour l’archéologue…)

Ce travail de prospection, Didier Vignaud, quadragénaire montois passionné d’archéologie et membre bénévole du Cral, le pratique depuis quatorze ans, ce qui lui a permis d’effectuer il y a une dizaine d’années de nombreuses recherches notamment en Pays de Brassenx, à Ygos, Beylongue, Arengosse, Villenave, Ousse-Suzan…

En décembre 2012, il se trouvait à Suzan, non loin de la chapelle, dans une zone ravagée par la tempête Klaus. Il y repéra cinq « unités » bien distinctes au lieu dit Matic. Deux d’entre elles lui parurent particulièrement intéressantes et le ministère de la Culture lui donna l’autorisation d’y effectuer sondages et fouilles qui commencèrent en mai dernier. Le site était visitable ce week-end à l’occasion des Journées nationales de l’archéologie.

Une structure exceptionnelle

« La première “structure” découverte est exceptionnelle car elle est unique en Aquitaine en milieu rural, explique Didier Vignaud. En effet, le torchis brûlé et les fragments de poteries que nous y avons trouvés la situent au IIIe ou IVe siècle de notre ère, au cœur du Bas Empire romain. Or, nous ne connaissons pas la forme d’habitat de cette période en milieu rural. »

« On ne peut pas imaginer ce qu’il y avait exactement ici, mais au vu de la petitesse de l’ensemble et de la quantité de fragments de poteries découverts, il s’agit sans doute d’un élément d’habitat (une pièce ?) d’autant qu’à quelques mètres, nous avons trouvé, lors d’un sondage, un trou de poteau. Peut-être y avait-il ici une ferme ou une résidence secondaire… Le torchis brûlé et de la cendre que nous avons aussi découverte font penser à un incendie qui aurait détruit une partie du bâtiment. Pour en savoir plus, il faudrait faire un énorme ‘‘décapage’’ des fouilles sur 2 hectares, mais est-ce envisageable?

Une tombe de l’an 370

À quelques mètres de là, à la suite de sondages sur la parcelle « pour évaluer son potentiel archéologique », Didier a découvert, « au vu de la dimension, de la forme et de la profondeur », une « fosse sépulcrale » (autrement dit une tombe, mais sans ossements, détruits par l’acidité du sable) avec, « au fond de la fosse, une pièce à l’effigie d’un des deux frères co-empereurs Valentinien (mort en 375) ou Valens (mort en 378). Peut-être « l’obole à Charon » ? (1).

« Grâce à la stratigraphie, on peut lire toutes les phases d’occupation du secteur au fil du temps. D’autres fouilles permettraient peut-être d’avoir une meilleure compréhension de l’état d’occupation de cette zone », conclut Didier Vignaud.

Qu’en sera-t-il des sites de Matic à Suzan ? L’autorisation de fouilles court jusqu’à fin septembre, mais, à la suite du rapport qu’il remettra et qui sera longuement analysé (il faut compter « plusieurs mois de travaux de bureau »), Didier Vignaud espère qu’elles se poursuivront l’an prochain.

(1) Dans la mythologie grecque, Charon était le « nocher des enfers » qui conduisait les défunts vers leur dernier séjour moyennant le paiement d’une « obole » que les parents de la personne décédée avaient placée dans sa bouche…

Article paru dans le quotidien Sud-Ouest  le 11/06/13 (source : http://www.sudouest.fr/2013/06/11/unique-en-aquitaine-1081092-3304.php)

A noter qu’une page Facebook a aussi été créée pour médiatiser ces recherches particulièrement intéressantes.

Organisée chaque année depuis 2006, la tessonnade est une manifestation dédiée à la terre cuite, notamment la terre cuite comme matière archéologique. Potiers amateurs et confirmés, amateurs d’archéologie se côtoient sur fond d’animations grand public, d’expérimentations bon enfant et de conférences.

Cette année, la tessonnade a lieu à Salles (33) du 20 au 26 mai. On peut retrouver sur le blog de la manifestation le programme complet.

http://tessonnades.blogspot.fr/p/tessonnade-2012.html

On y découvre que le CRESS (Centre de Recherches et d’Etudes Scientifiques de Sanguinet) est partenaire de la tessonnade, permettant un déploiement des animations archéologiques autour de la hache polie (fabrication/usage) et du bouleau (production de récipient, de bétuline), mais aussi de la vannerie. Le programme évoque également des sorties botaniques. Ambitieux, certes, mais trop éclectique sûrement : en quoi cela colle-t-il à l’essence même de la tessonnade telle que présentée également sur le même site? Il serait bon de renommer cet élan généreux (et peut-être en cela mal canalisé, pagaillous comme diraient les gens du coin) afin de permettre d’assumer des animations diverses, oscillant entre découverte du milieu naturel, ethnologie, musicologie, archéologie, l’inévitable atelier raku (aussitôt que l’on parle poterie, aussitôt apparait quelqu’un prétendant faire du raku et conséquemment pondre des récipients moches, pardon, originaux) etc.