Le quotidien Sud Ouest relaie le contenu d’une conférence présentée à Mont-de-Marsan le 27 avril dernier. Celle-ci, menée tambour battant par l’archéologue bénévole Didier Vignaud (C.R.A.L.) visait à actualiser les données brutes sur le peuplement ancien des Landes devant une assemblée d’une vingtaine de personnes. Pour rappel, le Centre de Recherches Archéologiques sur les Landes (C.R.A.L.), dont certains membres sont par ailleurs membres du Club Dubalen, est un groupe de recherche de statut associatif qui rassemble un peu moins d’une dizaine de membres. Ces dernières années, certains de ces membres ont participé à différentes expositions grand public, permettant ainsi de faire exister l’archéologie landaise de manière plus large que les seules publications dans des revues spécialisées ne peuvent le faire. On citera ainsi Aquitaine Préhistorique, installée d’abord au musée d’Aquitaine à Bordeaux puis au musée basque à Bayonne (commissaire d’expo Vincent Mistrot, avec notamment, aux côtés des principaux acteurs de l’archéologie régionale, une participation du CRAL : Jean-Claude Merlet, Marie Bilbao et Hervé Barrouquère), Land’archéo (commissaire d’expo Morgane Dachary, avec une participation du CRAL : les mêmes que précédemment), Six pieds sous terre il y a 3000 ans, archéologie des Landes de Gascogne (expo presque entièrement motivée par les recherches du C.R.A.L., les deux commissaires étant eux-mêmes issus de l’association : Marie Bilbao -spécialiste des pratiques funéraires de l’Age du Fer- et Hervé Barrouquère). Enfin, dans le cadre du Temps de l’archéologie, manifestation initiée par le Conseil Général des Landes (l’exposition Land’archéo et dans une certaine mesure l’exposition Six pieds sous terre ont aussi été organisées dans ce cadre) , une petite exposition réalisée par Marie Bilbao et Hervé Barrouquère pour le Musée du Prieuré à Mimizan intitulée Quelques découvertes archéologiques récentes dans les Landes  avait permis aux estivants de s’initier aux dynamiques du  peuplement ancien des Landes deux étés successifs.

La revue régionale Le Festin avait consacré un article aux deux dirigeants fondateurs du Centre de Recherches Archéologiques sur les Landes en 2007 dans un numéro spécial particulièrement bien fait (qui nous rappelle le haut niveau qualitatif de cette revue dédiée à la culture et au patrimoine aquitains) intitulé « L’Aquitaine archéologique » :

Merlet et Gellibert, éclaireurs landais, par Jeanne-Marie Fritz, photographies de Jean-Christophe Garcia.

Deux archéologues bénévoles, Jean-Claude Merlet et Bernard Gellibert ont fait du territoire landais le domaine privilégié de leurs investigations. A l’inverse des idées reçues, le sous-sol du département se révèle une source précieuse de connaissances.

« La Grande Lande fut, dans l’Antiquité, une zone repoussoir. Le triangle qui passe par Belin-Beliet, Saint-Symphorien, Captieux et Houeillès au nord, et au sud, par Morcenx, Brocas, Roquefort et les sources de l’Avance, fut un désert qui servit historiquement de frontière aux peuples riverains. […] C’était déjà hier une région où l’on ne s’aventurait que par nécessité, mais où l’on ne s’arrêtait pas » (1). Tel est le jugement qui était porté en 1981, lors d’un colloque sur la Grande Lande, à propos du peuplement de ce territoire sur lequel pesait et pèse encore un préjugé tenace, celui du désert landais. C’est en effet sur cette idée fausse, accréditée par une habile politique de propagande que le Second Empire a forgé son image de colonisateur d’un milieu hostile et répulsif. Aujourd’hui, vingt ans de travail acharné de deux archéologues landais bénévoles, Bernard Gellibert et Jean-Claude Merlet, permettent de réfuter cette idée. Deux hommes que ni les études initiales, ni les activités professionnelles n’avaient particulièrement préparés à l’archéologie. Comment un médecin et un inspecteur des impôts aux lourdes responsabilités se retrouvent-ils un jour pour partager une passion commune si éloignée de leur quotidien?

L’influence de la Préhistoire

Souvent, le hasard d’une rencontre décide d’une orientation nouvelle. Le parcours de Bernard Gellibert, médecin montois expert auprès du tribunal de Grande Instance de Pau, le sensibilise d’abord à l’anthropologie. Puis, dans les années 1980, des échanges avec Xavier Schmitt (2) l’amènent à s’inscrire à l’Institut du Quaternaire à Bordeaux afin de suivre des études archéologiques. Jean-Claude Merlet, venu à la Préhistoire depuis 1974 en visitant le chantier de fouille dirigé par Robert Arambourou à la grotte Duruthy (Sorde-I’Abbaye) suit également une formation universitaire tout en exerçant ses activités professionnelles. Au gré de ses fonctions successives, il fouille et dirige plusieurs chantiers en Auvergne et en Normandie. Un nouveau poste à Dax, la rencontre avec Bernard Gellibert permettent à ces deux passionnés de mettre leur besoin d’action au service de l’archéologie. Enfin, la collaboration avec Julia Roussot-Laroque (3) les orientent ver le terrain de la Préhistoire récente. Ils fondent en 1984 le Centre de Recherche Archéologique sur les Landes (C.R.A.L.) qui compte aujourd’hui de nombreux membres tous bénévoles. Grâce à leur ténacité, nos connaissances actuelles sur la Préhistoire récente et la Protohistoire ont réalisé un grand bond en avant.

Conviction archéologique

Tout archéologue se doit de respecter trois étapes. La fouille, puis l’étude des résultats en laboratoire. Enfin la publication à la fois scientifique et la plus large possible; cela permet de sensibiliser le public au patrimoine, à son respect et à sa conservation. Ce qui constitue pour les professionnels une occupation à plein temps s’est ajouté pour nos deux hommes à une journée de travail bien remplie. «C’est un choix personnel et puis nous avons la chance de dormir peu» précisent-ils modestement. Certes, mais cette décision a nécessité un grand investissement et un appui familial sans failles. Ainsi, depuis vingt ans, tous leurs moments de loisirs sont consacrés à une tâche archéologique, soit sur le terrain, soit au domicile de l’un d’eux où s’entreposent silex ou tessons de céramique qu’il faut étudier, dessiner, restaurer. Car l’archéologie demeure une discipline envahissante, mangeuse d’espace avec laquelle il faut composer au quotidien.

Mais comment découvrir des sites qui, pour la Préhistoire, ne sont pas très visibles? Pas de vestiges monumentaux, pas de pierres… C’est d’abord grâce à la prospection systématique et attentive dans les labours forestiers que l’œil décèle une lointaine présence humaine. D’où la découverte de plus de 200 sites entre 1992 et 2006, toutes périodes confondues. Des sondages déterminent la nécessité des fouilles dont le premières ont d’abord porté sur la Grande Lande, à Canenx, Brocas, Cère, Maillères. À partir de 1995, le champ géographique des recherches s’est étendu à la Chalosse et au bassin moyen de l’Adour et élargi à l’Antiquité et au Moyen Âge avec l’arrivée au CRAL de membre plus spécialisé sur ces périodes. Certaine découvertes revêtent une importance particulière : récemment, la nécropole du Mouliot (Laglorieuse) datée du Premier Âge du Fer (VIlle-milieu VIe . a . J. – C.) a permis sur cinq ans de travail, d’exhumer 147 tombes dans un espace funéraire structuré qui a fonctionné pendant deux siècles environ, soit le site le plus important du Sud- Ouest. Depuis 2004, une nouvelle étape est franchie : un projet collectif de recherche (PCR) sur les milieux humides des Landes de Gascogne, dirigé par Jean-Pierre Bost (4) et Jean-Claude Merlet, regroupe des chercheurs de diverses disciplines et institutions. 160 sites nouveaux ont été découverts dans ce cadre et un colloque est en cours de préparation.

Les lagunes et leurs secrets

La publication impose les rapports scientifiques au Service Régional de l’Archéologie (SRA) comme la diffusion vers les non spécialistes. À partir de 1986, le Bulletin de la Société de Borda a accueilli seize articles de nos deux archéologues. Vers les chercheurs, le CRAL contribue régulièrement à la revue «Archéologie des Pyrénées Occidentales et des Landes» qui couvre plusieurs départements. D’où des confrontations fructueuses car seul le changement d’échelle permet de comparer, d’étudier la diffusion et la répartition d’un type de culture. Depuis 1998, les rencontres de Salies-de-Béarn ont formalisé ces échanges au cours d’un colloque qui se déroule chaque hiver. Enfin, un site Internet permet à tous d’accéder aux travaux du CRAL.(5)

L’importance des découvertes a amené le CRAL, appuyé par le SRA, à monter un dossier destiné à ouvrir un dépôt à Mont-de- Marsan afin de présenter au public les principaux objets dans le cadre d’une exposition permanente. Ainsi les visiteurs pourront- ils comprendre le cadre de vie des chasseurs-cueilleurs du VIe millénaire av. J. – C., puis des campements d’agriculteurs-éleveurs. Ils partageront leurs activités auprès des milliers de lagune ou de ruisseaux, suivront les changements d’un paysage très différent du nôtre, découvriront qu’au Ile millénaire av. J. -C ., le système agro-pastoral a été inventé dans la Grande Lande. «Le sous-sol des Landes de Gascogne renferme donc un patrimoine archéologique important, dont le potentiel n’a été que partiellement exploité ces dernières années, seul 3%  de la superficie des communes concernées a été exploré » assurent les deux archéologues en guise de conclusion.

  1. Extrait de La Grande Lande, histoire naturelle et géographie historique, Actes du colloque de Sabres (27-28-29 novembre 1981). éditions du C.N.R.S ., 1981. Cité dans le site www.archeolandes.com.

  2. Xavier Schmitt a été l’auteur des fouilles du parking situé au pied de Lacataye en 1975.

  3. Spécialiste de l’Âge du Bronze (- 2000 à – 1200) et directrice de recherches au CNRS.

  4. Professeur d’histoire à l’université de Bordeaux III.

  5. www.archeolandes.com

Donc, après cette contextualisation, voici un aperçu du dernier article paru dans le quotidien Sud Ouest sur les recherches menées par le C.R.A.L. ces dernières années (source : http://www.sudouest.fr/2016/05/16/des-tresors-a-montrer-le-temps-le-flair-la-chance-2364006-3316.php)

Archéologie : de nombreux trésors à montrer dans les Landes

Étude d’une nécropole de l’âge du fer, à Mazerolles
Étude d’une nécropole de l’âge du fer, à Mazerolles ©

dr

Depuis 2011, plus de 700 nouveaux sites ont été identifiés dans un rayon de 30 kilomètres autour de Mont-de-Marsan. Et ce n’est pas fini

Il n’y a pas que les pins, les plages, le maïs et les ferias dans les Landes. De même qu’il n’y a pas que la dame de Brassempouy, le donjon Lacataye ou les cités de Dax (Aquae) et d’Aire-sur-l’Adour (Atura) au rayon archéologique local. C’est avec ce ton un brin provocateur et l’ambition de « casser le mythe du désert landais » que les membres passionnés du Centre de recherches archéologiques sur les Landes (Cral) ont récemment offert une conférence, à l’office de tourisme de Mont-de-Marsan. Objectif des scientifiques : mettre en avant de belles trouvailles qui ne cessent de se révéler sous leurs pieds.

« Il y a quelques années, on pensait que les vieilles histoires de notre territoire étaient relativement figées, mais en fait pas du tout », intervient le Montois Didier Vignaud. Les découvertes s’enchaînent en effet à un rythme à peine croyable. « Depuis 2011, plus de 700 nouveaux sites ont été identifiés dans un rayon de 30 kilomètres autour de Mont-de-Marsan. Ça paraît fou, mais ça s’explique très simplement », enchaîne l’archéologue bénévole.

Exemple d’un vase funéraire de l’âge du fer sorti de terre à Pouydesseaux et reconstitué par les bénévoles du Cral© Photo dr

L’effet des tempêtes

L’apparition providentielle et inespérée de ces trésors restés enfouis dans le sous-sol est en réalité une conséquence des grandes tempêtes de 1999 et 2009. « Celles-ci ont détruit des pins sur une surface équivalente à six fois la taille de la Communauté urbaine de Bordeaux et découvert de fait des zones qui n’avaient jamais connu de labour réel depuis la plantation de la forêt par Napoléon », prolonge le même Didier Vignaud. Arpenter les parcelles libérées permettrait ainsi d’observer quantité de mobiliers renvoyés vers la surface.

L’un des exemples les plus frappants s’observe à Ousse-Suzan. Le travail sur les labours forestiers permet au Cral de recenser un total de 84 sites d’intérêt, contre quatre seulement en 2003. Grand paradoxe pour l’un des départements de France affichant le moins de sites répertoriés à l’inventaire des monuments historique de France, il semblerait même que cette zone abrite « la plus grande concentration de nécropoles protohistoriques (âge du fer et âge du bronze), au sud de la Loire », vante l’adhérent montois.

Autre travail du Cral sur une sépulture à incinération du IVe siècle de notre ère, à Saint-Martin-d’Oney© Photo dr

Une nécropole à Laglorieuse

Didier Vignaud en compte 28, dont une récemment étudiée à Laglorieuse « avec environ 150 tombes et près de 400 poteries de l’âge du fer à montrer », continue-t-il lui-même de s’étonner.

Si l’on avait déjà parlé de découvertes à Bougue ou à Beylongue, une agglomération de l’âge du bronze se révélerait à Ygos-Saint-Saturnin. Un village antique (gallo-romain) se nicherait également sur la commune de Campet-et-Lamolère. « Dernièrement, j’ai aussi été alerté par un propriétaire de Saint-Pierre-du-Mont qui a trouvé sur son terrain ce qui semble être un aqueduc gallo-romain, un ouvrage superbe et complètement inattendu », enchaîne, photos à l’appui, l’intarissable chercheur d’antiquités.

Souvenir d’une journée de fouille d’un habitat du IIe siècle de notre ère, à Ousse-Suzan.© Photo dr

Dans cette quête perpétuelle et infinie, l’objectif poursuivi est d’ajouter des points sur une grande carte et essayer de retracer l’occupation des sols sur ce territoire en fonction des périodes. « Et plus il y a de points, plus ça devient intéressant ! », relève le Montois.

Fort de ces dernières découvertes, particulièrement nombreuses, les scientifiques bénévoles du Cral pensent en tout cas qu’il y a « déjà beaucoup de choses à montrer » sur l’Agglomération de Mont-de-Marsan. « Ce qui est sûr, c’est que même si nous imaginions qu’il y avait du potentiel, nous faisons face à un patrimoine qui dépasse largement tout ce que nous connaissions jusque-là. Et en plus ce n’est pas fini », se réjouit le passionné.

À peine inaugurés, les locaux du Cral seraient déjà trop étroits. « Il va falloir un musée ! », sourit le Montois.

« On pensait que les vieilles histoires étaient relativement figées mais en fait pas du tout »

Didier Vignaud, dans les locaux montois du Centre de recherches archéologiques© Photo dr

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