Le quotidien Sud Ouest s’est fait l’écho il y a quelques jours de la campagne de fouilles entreprise par l’archéologue lot-et-garonnais Philippe Jacques. Cette recherche s’inscrit dans une volonté de contextualisation de l’urne funéraire du Premier Age du fer mise au jour accidentellement il y a quelques mois d’une part et d’autre part, compléter les données sur l’occupation du sol dans ce secteur dans des périodes anciennes (source : http://www.sudouest.fr/2014/12/05/dune-du-pilat-40-siecles-d-histoire-dorment-sous-le-sable-1758997-6072.php). Voici donc la copie de l’article paru :
Sous la Dune du Pilat, 40 siècles d’histoire
Un important chantier de fouilles archéologiques mené fin octobre sur la dune du Pilat, sur la commune de La Teste-de-Buch, apporte un nouvel éclairage sur la manière dont les hommes ont occupé ce lieu en deux époques bien distinctes
Des enfants nus qui se roulent dans le sable, se régalent en riant de la douceur ensoleillée d’un début d’automne incroyablement chaud. À la veille du week-end de la Toussaint, une foule de vacanciers, avides de ces miraculeuses prolongations estivales, s’est installée au pied de la dune du Pilat, en contrebas du célèbre hôtel-restaurant La Co(o)rniche.
Mais très vite le regard est attiré par une scène a priori incongrue: une pelleteuse en marche, au milieu d’un important chantier de fouilles que délimite un périmètre de sécurité. Depuis le 20 octobre et pour une durée de quinze jours, une petite dizaine d’archéologues bénévoles est au travailsur deux niveaux bien distincts.
24 siècles en quelques mètres
Quelques mètres de dénivelés seulement séparent les deux équipes. Quelques mètres… qui enjambent 24 siècles d’histoire. « Ici, vous êtes au VIIe siècle avant notre ère et, si vous rejoignez l’équipe du haut, vous arrivez au XVIIe siècle« , sourit Pierre Regaldo, responsable du département de la Gironde au Service régional d’archéologie (SRA) de la Drac Aquitaine, de passage sur le site.
Au total, ce sont quatre paléosols principaux (des niveaux de végétations fossilisés par l’accumulation des sables dunaires, ndlr) qui s’étagent du pied au sommet de la dune : le premier, au niveau actuel de la mer, nous ramène 4 000 ans en arrière environ; le deuxième, un millénaire avant notre ère ; au troisième paléosol, nous voici déjà au XVIIe siècle tandis que le paléosolIV correspond à l’ensemencement du XIXe ; il est couvert par d’autres sables dunaires menant jusqu’à aujourd’hui. Ces différentes strates sont autant d’étapes marquantes de l’édification de la dune. Plus on grimpe et plus on avance dans la frise chronologique.
Vision globale
Cette campagne de fouilles automnale menée sous l’égide du SRA explore les paléosols II et III sur une surface importante : c’est la première fois que la dune du Pilat est aussi largement ouverte. « Jusqu’à présent, on n’avait fouillé que de petites surfaces. Mais ça ne suffisait plus. Là, on a une vision globale de plusieurs sites », explique Philippe Jacques, archéologue amateur, spécialiste de la dune qu’il explore depuis trente-cinq ans. De nouveaux moyens techniques ont également été mis à l’épreuve puisque c’est la première fois qu’une pelle mécanique intervient en milieu dunaire, avec succès.
« Finalement, la Dune du Pilat a toujours attiré par son économie : le sel, la résine, et maintenant le tourisme », Philippe Jacques.
Que révèle ce nouveau chantier ? Arrêtons-nous au deuxième, où de petits tessons de céramique et deux trous de poteau indiquant l’édification d’une maison à cet endroit confirment l’existence pressentie d’un atelier de production de sel datant de l’âge de fer (environ huit siècles avant notre ère). « Il existait ici une lagune, autour de laquelle s’est développée l’occupation humaine, précise Pierre Regaldo. La question qui se pose à nouveau est celle du caractère périodique de l’habitat. Car le travail du sel ne se fait pas à toutes les saisons. Mais il pouvait s’agir de séjours de longue durée. »
Urne et coquilles d’huîtres
La découverte d’une urne funéraire, l’hiver dernier, apparaissait dans ce contexte décisive. Datée de l’âge de fer, elle posait en effet la question de la présence éventuelle d’une nécropole, et tendait à accréditer la thèse d’un habitat sédentarisé. « Mais, à ce jour, l’urne est toujours orpheline« , indique Pierre Regaldo, qui rappelle : « Une urne ne fait pas une nécropole. » Quant aux analyses réalisées sur son contenu, elles ont révélé qu’il s’agissait des restes calcinés d’une personne de plus de 30 ans, souffrant d’arthrose.
Avançons dans cet incroyable chantier qui bouleverse tous nos repères spatio-temporels… Un peu de grimpette et nous voici dans la seconde moitié du XVIIe, comme l’atteste la monnaie de Louis XIV retrouvée. Mais la découverte majeure en cet endroit est cette quantité considérable de coquilles d’huîtres, qui exclut l’hypothèse de la seule consommation par les habitants.
Chaque année, la dune dévore une surface de 8 000 m2″Il y avait sans doute autour de ces coquillages une activité commerciale, avance Philippe Jacques. On était ici au milieu de la forêt, à proximité du rivage. Ce qu’on savait déjà, c’est qu’on y récoltait la résine. On savait aussi que la pratique de la pêche existait comme activité annexe. Mais ces coquilles, c’est nouveau. »
Le sel, la résine et le tourisme
À l’époque, un bassin permettait aux bateaux de s’ancrer et « tout ce qui était produit repartait par bateaux. C’était bien plus simple que de traverser la forêt ». Les coquilles vont désormais être étudiées pour y découvrir d’éventuelles traces de découpe, de décorticage. « Finalement, la dune du Pilat a toujours attiré par son économie : le sel, la résine, et maintenant le tourisme », sourit Philippe Jacques.
Depuis la fin du chantier, le sable recouvre à nouveau l’intégralité des deux sites. « C’est aussi l’avantage de ce lieu, note Pierre Regaldo. Le sable recouvre tout. Et préserve tout. » Et, en attendant les résultats des analyses de prélèvements, les archéologues ont déjà en tête de prochaines fouilles, menées sans doute plus au sud, après les tempêtes hivernales qui révéleront immanquablement de nouvelles empreintes de l’occupation par l’homme d’un lieu d’exception.
Si les pirogues sont associées pour le grand public à des territoires lointains -forêt amazonienne par exemple-, les pirogues n’en sont pas moins utilisées en France depuis le Néolithique jusqu’à des périodes historiques avancées. On en compte ainsi plus de 400 sur tout le territoire, les plus récentes remontant au XVIIIe siècle. Les Landes ne font pas exception et de nombreux spécimens ont été repérés dans le département, principalement dans le lac de Sanguinet où les pirogues monoxyles ont été utilisées depuis la fin de la Préhistoire jusqu’à l’orée de l’Ancien Régime. Parallèlement, ce type d’embarcation particulièrement résistant (il a été prouvé que l’on pouvait passer la barre littorale avec, pour accéder à la pleine mer) a aussi sans doute été abondamment utilisé dans un cours d’eau majeur comme l’Adour : depuis quelques années, des passionnés parcourent le fleuve basco-gascon en quête de vestiges de pirogues échouées, recherche encadrée par le Service Régional de l’Archéologie, et force est de constater que leur persévérance paye. C’est ce que le quotidien Sud Ouest nous présente ce jour dans ses colonnes (source : http://www.sudouest.fr/2014/11/22/une-pirogue-polyxyle-decouverte-1743843-3441.php) :
Après la pirogue « Degos » découverte en 2004 à Saint-Vincent-de-Paul, et « Lamaison » trouvée il y a deux ans à Mées, l’Adour a révélé un autre de ses trésors, à la fin du mois de septembre : une pirogue polyxyle, découverte, de nouveau, du côté de Mées.C’est au cours d’une prospection que Patrick Lamaison repère un morceau de bois dépassant du sable. En creusant avec son ami Gilles Kerlorc’h, lui aussi passionné d’archéologie, il tombe alors sur les vestiges de ce chaland polyxyle, le deuxième mis au jour dans l’Adour. Même s’il n’en reste que quelques planches, cette pirogue témoigne du passé du fleuve.
Couramment utilisées
Le polyxyle, contrairement au monoxyle, est constitué de plusieurs morceaux de bois de chêne minutieusement assemblés. Il s’agit d’un exemple typique des chalands locaux. Ces embarcations de petit volume, de six mètres de long maximum, étaient couramment utilisées localement pour des transports de marchandises, d’hommes, et même pour la pêche.
Ces pirogues ont sillonné l’Adour jusqu’au début du XXe siècle. Avec l’arrivée du chemin de fer, ce mode de transport a été peu à peu délaissé, les bateliers laissant couler leurs pirogues dans l’Adour. Et c’est au gré des courants et des crues successives que ces vestiges du passé émergent parfois du sable.
Gilles Kerlorc’h, qui est tombé amoureux de l’histoire de l’Adour il y a une dizaine d’années, répertorie les épaves du fleuve pour le Service régional d’archéologie d’Aquitaine. Patrick Lamaison, lui, a la « passion Adour ». Ses yeux brillent dès qu’il parle des trésors de « sa » rivière.
Datation au carbone 14
« Ce qui nous lie, c’est la passion du milieu, de l’Adour et son histoire », souligne Gilles Kerlorc’h. Après avoir minutieusement répertorié toutes les caractéristiques de la pirogue, les deux découvreurs ont prélevé un échantillon en vue d’une éventuelle datation au carbone 14. Puis, ils l’ont immergée à nouveau, la préservant ainsi pour les années à venir.
La découverte en 2006 d’inscriptions en basque datant des Romains interroge
pantxika delobel
p.delobel@sudouest.fr
Demain, sur les coups de 12 h 30, ils déploieront leurs banderoles sur la plaza de la Virgen Blanca de Vitoria (Álava) pour tenter de réhabiliter un archéologue : Eliseo Gil, 53 ans. Car, d’après l’association à l’origine du rassemblement, ce chercheur, que la communauté scientifique d’Euskadi qualifie de « charlatan », serait l’auteur de la plus grande découverte sur les origines de la langue basque. Excusez du peu.
En 2005 et 2006, l’ancien directeur des fouilles réalisées sur le site d’Iruña-Veleia, à une dizaine de kilomètres de la capitale basque, met la main sur de surprenantes inscriptions en euskara. Elles dateraient de l’Empire romain et apporteraient la preuve qu’aux IIIe et IVe siècles après Jésus-Christ, le basque s’écrivait !
« L’équipe a découvert une soixantaine de morceaux de céramiques, parfois de quelques centimètres seulement, sur lesquels étaient gravées des formules simples, comme “Ian” (manger), “Edan” (boire), “Lo” (dormir) », témoigne le Belge Koenraad Van den Driessche, porte-parole de l’association SOS Iruña-Veleia, qui défend envers et contre tous le travail d’Eliseo Gil.
« Révolution copernicienne »
Dans un premier temps, la découverte enthousiasme linguistes et historiens, confrontés au mystère des racines de la langue basque. L’éminent professeur de philosophie, Henrike Knörr (1947-2008) parlera même de « révolution copernicienne ». Jusque-là, les plus anciennes inscriptions, mises au jour dans la Rioja, dataient des Xe et XIe siècles. Mais une fois l’euphorie de l’extraordinaire annonce dissipée, le doute commence à poindre… « La campagne de dénigrement a débuté sur Internet, se souvient le docteur en géochimie Koenraad Van den Driessche. Certains prétendaient qu’il s’agissait d’un euskara trop moderne et familier. »
Les chercheurs qui s’étaient associés à la découverte se rétractent les uns après les autres. Soupçonné d’être lui-même l’auteur de ces graffitis antiques, Eliseo Gil réclame que des experts internationaux analysent les céramiques. Mais c’est une commission de 26 scientifiques de l’université du Pays basque (UPV-EHU) – graphologues, linguistes, historiens, géologues, etc. – qui se saisit du dossier.
Après plusieurs mois d’enquête, le verdict tombe en novembre 2008 : les 65 pièces où apparaissent des inscriptions en basque seraient fausses. « Toutes », tranche alors le docteur Joaquin Gorrochategi, spécialiste de la civilisation indo-européenne.
Néanmoins, SOS Iruña-Veleia dénonce une expertise bâclée – « Les chercheurs ne se sont jamais rendus sur le lieu des fouilles » – et arbitraire. « S’il s’agit vraiment de faux, qu’ils le prouvent ! Il existe des procédés scientifiques pour cela », clame l’association.
Falsification présumée
La société Lurmen, qui avait reçu plus de 3 millions d’euros de subventions publiques pour mener à bien ces fouilles, est renvoyée. Et Eliseo Gil attaqué en justice par la diputación d’Álava pour « falsification présumée du patrimoine ». Pour les besoins de l’instruction, une nouvelle expertise est réalisée. La défense exige l’intervention d’un laboratoire étranger. Le tribunal de Vitoria confie la mission à l’Institut patrimonial d’Espagne, qui parvient aux mêmes conclusions : tout est faux.
« Comment pouvait-il en être autrement, soupire Koenraad Van den Driessche. En Espagne, il y a trop de pression liée aux enjeux politiques d’une telle découverte. » Le Belge poursuit : « Si ces inscriptions s’avéraient authentiques, les chercheurs basques qui ont fait l’expertise seraient décrédibilisés. » Deux d’entre eux, sollicités par « Sud Ouest », ont refusé de répondre. Six ans après l’ouverture de la procédure judiciaire, l’archéologue biscayen, lui, attend toujours son procès.
Plus de 2 000 personnes ont découvert cet été la villa gallo-romaine de Plassac. Rouvert au public au mois de juillet,ce site archéologique unique en Gironde a subi pendant cinq ans d’importants travaux de restauration et de mise en valeur qui seront inaugurés ce soir par le président du Conseil général Philippe Madrelle.Dominant l’estuaire de la Gironde avec son belvédère, la villa révèle aujourd’hui ses mosaïques exceptionnelles que le public n’avait plus vues depuis vingt ans. Parties en 1994 pour être restaurées par l’Atelier de Saint-Romain-en-Gal, dans le Rhône, elles ne sont revenues à Plassac qu’au printemps dernier.
Cinq siècles d’histoire
La grande mosaïque polychrome, protégée aujourd’hui par un vaste hall ouvert avec une mezzanine qui reprend les volumes de la villa, est caractéristique de l’école d’Aquitaine. Les couleurs sont encore étonnamment vives, et ça et là, on distingue les marques de la vie quotidienne au temps des Gallo-Romains dans leurs appartements privés. Comme ces traces de charbon qui désignent encore l’emplacement d’un brasero.
Le site de Plassac a été occupé pendant les cinq premiers siècles de notre ère. Il s’agissait d’une vaste exploitation agricole avec au centre la villa. On sait que le premier propriétaire se nommait Blattius, un riche aristocrate romain. Deux autres villas ont été successivement construites sur le site. On sait également que la seconde villa, la plus grande, reprenait le plan du palais impérial à Rome. Signe de la puissance des aristocrates qui possédaient ce domaine. On dit aussi que la vue sur l’estuaire rappelait sans doute aux Romains les villas de la baie de Naples…
Hypocauste
Les nouveaux aménagements mis en œuvre par le Département, propriétaire du site depuis 1984, permettent de déambuler librement sans craindre d’abîmer les vestiges. Notamment grâce à des petites passerelles par lesquelles on s’approche de l’ingénieux système de chauffage par le sol et par les murs encore visible et que l’on appelle hypocauste. On peut voir également la source qui jaillit toujours aujourd’hui et alimente des petits caniveaux antiques.
La visite ne serait pas complète sans un passage par le musée entretenu par l’Association des amis du Vieux Plassac. Outre les objets du quotidien exhumés et les peintures murales de la première villa, typiques du troisième style pompéien, un film en trois dimensions permet de prendre toute la mesure de ces vestiges archéologiques.
Le public devra cependant attendre le printemps prochain pour parcourir de nouveau le site qui est fermé depuis le 1er octobre pour permettre de finaliser les travaux d’aménagement (lire ci-contre).
Quelques petits problèmes à régler
Inauguration ne signifie par ouverture au public. Si l’on pouvait visiter le site cet été jusqu’au 30 septembre, il est désormais fermé jusqu’au printemps prochain.
Le temps pour le Département de finir les aménagements autour de la villa. Principalement paysagers, indique Éric des Garets, directeur général adjoint, chargé de la vie culturelle au Conseil général.
Il s’agira aussi « de rectifier les petits problèmes » qui sont apparus. Notamment les points de corrosion sur le hall métallique qui surplombe la grande mosaïque. L’entrepreneur n’aurait pas utilisé un antioxydant adéquat pour faire face à la salinité de l’air sur les rives de l’estuaire.
Autre petit problème, les pigeons qui ont trouvé là un refuge idéal pour nicher. Mais juste au-dessus d’une mosaïque datée de près de deux mille ans, ils ne sont forcément pas les bienvenus… Un système d’ultrasons a été installé cet été pour les faire déguerpir.
Enfin la pluie, qui parfois vient toucher la mosaïque et qui pourrait l’endommager : « S’il y a des adaptations à faire, nous les réaliserons avec l’architecte des Monuments historiques. C’est un parti pris d’avoir réalisé cette structure ouverte en plein air. Tout sera réglé pour la saison prochaine », assure Éric des Garets.
Progressivement, le domaine chronologique pris en compte par la recherche archéologique s’amplifie jusqu’à englober des périodes « récentes » du 20e siècle. Le quotidien Sud Ouest évoque aujourd’hui dans un article les prospections subaquatiques entreprises dans le but de repérer et répertorier les vestiges du fameux Mur de l’Atlantique, vaste dispositif défensif mis en place par les Allemands sur la côte française lors de l’Occupation. Le littoral aquitain a connu lui aussi l’installation d’infrastructures destinées à se prémunir d’un éventuel débarquement Allié. Celui-ci aura bien lieu, mais en Normandie… Voici donc un aperçu de l’article (source : http://www.sudouest.fr/2014/08/30/dans-le-secret-des-blockhaus-sous-marins-1655606-1504.php) :
Dans le secret des blockhaus sous-marins
L’érosion a envoyé par le fond une batterie complète aménagée en 1943 et 1944. Ses éléments ont été répertoriés par une équipe d’archéologues plongeurs.
Au vu du paysage marin qui déroule ses fastes depuis la dune du Pilat, on a peine à croire qu’il y a soixante-dix ans, les passes du bassin d’Arcachon étaient hérissées de canons de l’armée allemande. Le temps a fait son œuvre sur le mur de l’Atlantique, qu’aucun soldat allié n’a eu besoin d’escalader dans ces contrées. La batterie des Gaillouneys – du nom de la maison forestière de l’autre côté de la dune – a maintenant disparu sous les flots.L’ensemble était fort de 18 blockhaus, répartis sur environ 500 mètres de linéaire. Ils verrouillaient l’entrée sud du Bassin. Seul l’un d’entre eux est encore totalement découvert à marée basse – par un coefficient de marée de 60, la moyenne. Trois autres barbotent dans le clapot, à l’étale de basse mer, comme des récifs de bord de plage. Le reste ? Immergés à une dizaine de mètres de profondeur, les énormes blocs de béton et de ferraille ne sont plus troublés par les déferlantes depuis des années, voire des décennies.
BIODIVERSITÉ – Des abris à faune
Les chasseurs sous-marins connaissent souvent les blockhaus, qui abritent une faune très riche et très variée. Celle-ci y est fixée par la grande diversité des espèces. Le béton a été colonisé par des murs d’anémones bijoux et d’anémones marguerites et par toute la gamme des crustacés : étrilles, dormeurs, araignées de mer, homards etc. Au hasard des cavités, on trouve aussi des seiches, des congres, des raies torpilles, des poulpes, des hippocampes, des crevettes bouquets, des tacauds etc.
Pour en embrasser la réalité, il faut être plongeur. Et, de préférence, se pencher sur la carte exhaustive du site, publiée il y a quelques jours par le Gramasa (Groupe de recherches archéologiques sur le mur de l’Atlantique secteur Arcachon) et vendue dans quelques magasins spécialisés. Il s’agit de la mouture actualisée d’un travail qui avait connu son premier aboutissement il y a dix ans, en 2004. Un travail de titan aquatique, affiné au fil de 300 relevés. Tout ou presque y figure : les coordonnées GPS des casemates, leur architecture intérieure, la distance qui les sépare, les points les plus et les moins profonds au droit de chacune des structures, etc.
La plongée dans les archives
Le Gramasa, installé à Gujan-Mestras, sur la rive sud du Bassin, est l’artisan majeur du dévoilement de ces fortifications, « le complexe immergé du mur de l’Atlantique le plus important identifié à ce jour en Europe », selon Marc Mentel, son président. Il y a une quinzaine d’années encore, ces bunkers sous-marins étaient livrés aux jeux des passionnés et/ou des farfelus, ils n’étaient pas l’objet d’une science bien établie. « On en sait moins sur ces constructions que sur le moindre détail des châteaux forts. Ou des villas gallo-romaines », s’étonne toujours Marc Mentel.
L’intéressé a longtemps traqué le poisson autour des abris de béton des Gaillouneys, sans en saisir les dédales. Il a appris à plonger il y a trente ans sur ces masses sombres qui émaillent les fonds. C’est en mémoire de Denis Sirven, plongeur émérite avec lequel il a longuement palmé sur les lieux, qu’il a décidé de remédier aux lacunes sur le sujet.
En 1998, il s’y est attelé avec toute la rigueur méthodique du professeur de physique-chimie qu’il est, dans l’eau mais surtout sur la terre ferme. Il s’est mis en quête de tous les documents qui avaient trait aux ouvrages défensifs du Bassin, par exemple aux archives de la Marine nationale à Rochefort, en Charente-Maritime, comme au siège du service historique de la Défense, à Vincennes en banlieue parisienne. Il a aussi déniché de vieilles photos aériennes auprès de l’IGN, l’Institut de l’information géographique. Le Graal ? Les plans allemands, sur lesquels il a enfin mis la main.
Il a validé ces plongées dans la paperasse en vérifiant in situ avec Laurent Prades, un autre adepte des profondeurs contaminé par le virus. Depuis cet épisode et la publication de la première carte, le Gramasa n’eut de cesse d’accumuler les connaissances historiques. Sur les systèmes de fixation des canons à l’intérieur des casemates, par exemple. Le Département des recherches archéologiques sous-marines, le Drassm – un service de l’État – a appuyé ses recherches. La station marine d’Arcachon de l’université Bordeaux 1 aussi. Des études et des fouilles ont été diligentées. Leur apport permet aujourd’hui à une nouvelle carte de voir le jour. « Mais on ne sait encore rien ! », tempère Marc Mentel.
Une érosion spectaculaire
L’examen attentif des photos aériennes a reconstitué le travail de sape de l’érosion. La dune a reculé au fil des ans, elle a abandonné les blockhaus sur la plage avant qu’ils ne plongent dans la passe. « Après-guerre, le recul a été d’environ 17 mètres par an en moyenne pendant vingt ans. Le trait de côte s’est avéré plus stable par la suite. Il y a aussi eu des phases de réengraissement de la plage », résume Marc Mentel. Issue des données du Gramasa, l’infographie ci-contre retrace ces oscillations erratiques. C’est une tendance, pas un relevé effectué selon un protocole scientifique incontestable.
Celle-ci illustre néanmoins la problématique générale de l’érosion du rivage, en Aquitaine comme en Charente-Maritime. Mais elle procède aussi d’une situation très particulière. À la sortie du Bassin, où le courant latéral à la plage est puissant, la dégringolade sous-marine des bunkers a sans doute modifié le jeu normal des éléments. Le sable a tendance à s’amasser en conche au nord des blockhaus alors que le sud, proche de la plage du Petit Nice – bien connue des Bordelais – est de plus en plus décapé.
Si cette dynamique se poursuit, viendra probablement le jour où toutes les casemates auront rejoint le monde du silence. Mais elles resteront accessibles aux plongeurs, les forts courants les préservant de l’ensablement. Et elles seront à jamais colonisées par la vie, des anémones aux congres, bien loin de leur mission d’origine.