C’est le samedi 18 mai et c’est par ici :
Le GAPO est le Groupe Archéologique des Pyrénées Occidentales. Il est un des principaux acteurs de l’archéologie programmée en Aquitaine méridionale avec le CRAL (Centre de Recherches Archéologiques sur les Landes). Associés à Eusko-arkeologia, ils forment la Fédération Archéologique des Pyrénées Occidentales et des Landes, éditrice d’une revue spécialisée à comité de lecture faisant état des recherches menées dans les Landes, les Pyrénées Atlantiques et les Hautes Pyrénées.
Séisme dans l’océan des certitudes sur le peuplement ancien du département des Landes, et plus largement, de la Nouvelle-Aquitaine. Alors que des travaux d’une équipe de la DRASSM (Département de recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines) visaient à reconnaitre et identifier des structures supposées de la fin de l’Age du Bronze immergées dans le lac de Léon et repérées l’été dernier à l’occasion d’une baisse importante du niveau de l’eau, c’est un vestige d’une toute autre période qui vient d’être identifié. Les responsables de l’opération, Jean-François Louvine et Guillaume Lepeuch, ont eu du mal à croire ce que le sonar installé sur leur petite embarcation leur montrait.
Il faut être spécialiste pour voir quelque chose sur le relevé ci-dessus. Pourtant, les deux archéologues sont formels : « Les structures repérées jusqu’ici, à l’instar de ce que nous connaissons dans un secteur proche, comme dans le Lac de Sanguinet par exemple, sont peu étendues, et lorsqu’il s’agit d’embarcations, ce sont davantage des pirogues de quelques mètres de long, pas quelque chose comme ça. », nous explique Jean-François Louvine. Il poursuit : « Lorsque nous avons aperçu cette grande forme oblongue, nous avons compris que non seulement c’était une embarcation, mais qu’en outre, son origine devait remonter à plusieurs siècles, voire millénaires. Le courant d’Huchet qui sert d’exutoire au lac, est faiblement connecté aux marées depuis déjà longtemps, donc ce bateau aurait eu du mal à arriver d’ailleurs durant ces derniers siècles. Nous n’avons pas non plus de fabrication de bateaux attestée dans ce secteur entre la fin du Moyen Age et la fin de l’Ancien Régime. Une embarcation de cette taille, si elle avait coulé plus récemment, aurait été évoquée. Nous avions forcément là quelque chose d’important. ».
Même si l’épave git à une relative faible profondeur (une dizaine de mètres à peine), il a été difficile en plongée de la voir avec facilité. En effet, une forte eutrophisation du milieu aquatique génère une dense suspension de phytoplancton gênant la visibilité. Néanmoins, en fonction de la température de l’eau, il arrive que le fond se dévoile parfois. « Un coup de chance » d’après Guillaume Lepeuch, le plongeur aguerri de l’équipe. « Dès la première plongée sur site, j’ai pu atteindre l’épave et la photographier, c’était le 8 mars. Le lundi suivant, on ne pouvait plus rien voir. » continue-t-il, visiblement ému, lui qui possède des attaches familiales dans le département. « C’est sûr, cette découverte va changer pas mal de choses dans notre façon de voir l’Histoire régionale. A commencer pour moi. J’ai pas mal rigolé il y a quelques années quand j’ai lu dans des bouquins que je qualifiais alors de pseudohistoire, que les Vikings avaient colonisé la Gascogne. Maintenant, je ris jaune, mais je ne chercherai pas à noyer le poisson. Il faut repartir à zéro. ».
Car c’est le second côté inattendu de cette découverte, non seulement, les eaux du lac de Léon ont servi de cachette à une épave de plus de vingt mètres de long, mais en plus, il s’agit bel et bien d’un knarr, à savoir un navire viking. Il serait datable, d’après les premières observations, de la fin du 9e siècle.
Que venait-il faire ici? Les chercheurs restent prudents. « Il est trop tôt pour tirer des conclusions, mais le champ des possibles est étendu. Faisait-il partie d’une flotte d’invasion ? Etait-il là pour commercer ? On peut tout imaginer, et même pourquoi pas, pêcher de gros poissons sur la côte landaise ! », termine en exclusivité pour le Club Dubalen, Jean-François Louvine.