Lesparre-Médoc : « Nous conservons le patrimoine à notre façon »
Publié le 19/12/2015 à 03h39 , modifié le 19/12/2015 à 10h31 par Arnaud Larrue
L’histoire de l’architecture peut révéler celle des hommes. Rencontre avec Claire Steimer pour son ouvrage sur l’estuaire. Une autre façon pour elle de préserver le territoire
Claire Steimer en dédicace à la Maison de la presse de Lesparre. ©Photo A. L.
« Estuaire de la Gironde. Paysages et architectures viticoles », est le dernier ouvrage de Claire Steimer, ouvrage dont elle précise tout de suite qu’il est en réalité le résultat d’un travail d’équipe (1). Claire Steimer, 38 ans, est avant tout conservatrice du patrimoine, et travaille comme fonctionnaire au sein du Conseil régional dans le cadre d’une mission de service public au service de l’inventaire du patrimoine.
Ce superbe livre a donc été réalisé par la région Aquitaine et le département de la Gironde, avec le concours de la région Poitou-Charentes, préfigurant ainsi une fusion devenue effective. L’objet, à la fois copieux et attractif, expose sur 192 pages plus de 500 photographies contemporaines ou surgies du passé, accompagnées d’un texte clair et précis, avec pour but de rappeler l’histoire et le sens de l’architecture viticole et de son environnement sur les deux rives de l’estuaire. Pour Claire Steimer, c’est le résultat de six années de travail, de recherches et de rencontres.
Elle explique : « C’est surtout un ouvrage de photos, car le photographe conserve le patrimoine à sa façon, même celui qui pourrait être amené à disparaître. Mais nous n’avons pas voulu faire un nouveau livre sur la route des châteaux : on s’est aussi intéressés aux cabanes, aux ports estuariens qui font également l’histoire du lieu. On ne comprend le château que si on le situe dans un ensemble. Le château est une vitrine, et ce qui est important, c’est ce qui se passe derrière, comme les cuviers ou les logements des ouvriers ». Elle précise ensuite : « Nous appréhendons le paysage surtout à partir du XVIIe siècle, un peu au Moyen-Age, mais pas au-delà. Nous aimerions d’ailleurs qu’il y ait davantage de fouilles et de recherches archéologiques en Médoc afin de nous donner l’antériorité qui nous manque ».
« Le château est une vitrine »
Pour elle, l’architecture du bâti, qu’elle résulte du goût ou de la nécessité, est un révélateur primordial de l’histoire des hommes : « Une maison peut apporter beaucoup d’indices que les gens ne voient pas forcément, dit-elle. À Lesparre, par exemple, on sent ce qu’a été la prospérité du XIXe siècle. D’une façon générale, derrière l’architecture, on comprend comment les gens vivaient et travaillaient. Cette démarche permet également de décrypter quel sera le patrimoine de demain, avec notamment les cuviers qui sont aujourd’hui construits par des architectes de renom ».
La lecture du livre rend parfaitement compte du lien entre l’architecture et l’histoire des hommes, notamment quand il s’agit de comparer les deux rives du même estuaire. Claire Steimer confirme d’ailleurs : « L’estuaire est un axe de circulation, mais c’est aussi une barrière, à la fois linguistique et géologique. C’est révélateur qu’il n’y ait jamais eu de pont, et ça a eu une incidence sur les deux développements ». Tout en s’inquiétant que l’avant-projet de charte du futur Parc naturel parle peu du bâti par rapport aux paysages, elle conclut : « Les gens que j’ai rencontrés m’ont beaucoup appris, car la façon de raconter et les mots utilisés sont importants aussi. J’espère qu’avec ce livre ils apprendront des choses. Il faut qu’ils soient fiers de leur territoire et conscients qu’il représente un véritable patrimoine ».
(1) « Estuaire de la Gironde », de Claire Steimer et Alain Beschi, photos d’Adrienne Barroche et Michel Dubau, éditions Lieux Dits, prix « service public » de 25 euros. Cet ouvrage a reçu jeudi après-midi le prix Brives-Cazes, décerné par l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux. Claire Steimer était présente samedi 12 décembre à la Maison de la presse de Lesparre pour une séance dédicace.