En janvier dernier a eu lieu sur le plateau de l’Ermitage (zone périurbaine d’Agen) une campagne de sondages-diagnostics, menée sous la direction de l’archéologue Frédéric Prodéo (INRAP). Cette étape vise à vérifier la potentialité archéologique d’un terrain en prévision d’un aménagement invasif ou destructif pour les archives du sous-sol (autoroute, supermarché, lotissement etc.). En fonction des résultats, une fouille sera (ou pas) demandée afin d’enregistrer un maximum de données relatives au(x) site(s) menacé(s) par l’aménagement programmé. Si la première étape est entièrement financée par l’Etat et réalisée par l’INRAP ou des archéologues de collectivité territoriale, en revanche, la fouille est attribuée après appel d’offre soit à l’INRAP soit à un opérateur de fouille (=entreprise) agréé par l’Etat. Son financement n’est pas le fait de l’Etat, mais de l’aménageur. Ce tarif n’est pas imposé de but en blanc, mais découle de négociations entre l’aménageur et l’archéologie, principalement en fonction d’un cahier des charges. Tout ceci est réglementé par deux lois, votées respectivement en 2001 et 2003. C’est la théorie et généralement la pratique. Mais il arrive que certains terrains recèlent de véritables trésors pour le Patrimoine national : c’est pour cela que le prescripteur de sondages-diagnostics, l’Etat, représenté par le Service Régional de l’Archéologie, met parfois en garde l’aménageur afin qu’il modifie son projet si celui-ci a une forte probabilité de concerner un gros site archéologique (voire le dissuade d’agir sur tel ou tel terrain). En effet, si le site n’a pas été classé et donc protégé, sa fouille se fera de manière approfondie, attentive et extensive afin de ne perdre aucune info : cela entraine des coûts astronomiques pour l’aménageur (on parle souvent dans des cas comme celui-ci de plusieurs millions d’euros!). Dans le cas de l’Ermitage à Agen, le rôle de l’Etat a été de dissuader l’aménageur de lotir cette zone : connu pour être l’oppidum des Nitiobroges, diverses recherches ultérieures avaient souligné la richesse du lieu. Nous sommes aujourd’hui après la première étape : le sondage a été mené, le rapport va être rendu. Les premiers résultats révélés dans le petit milieu des archéologues régionaux suscite bien évidemment des interrogations : doit-on nécessairement sacrifier le Patrimoine, bien commun, pour des raisons urbanistiques? N’y a-t-il pas possibilité de lotir ailleurs sur la commune? C’est ce qui ressort de l’article paru dans la Dépêche du Midi ce jour (source : http://www.ladepeche.fr/article/2014/03/13/1837901-agen-ermitage-ne-detruisez-pas-les-archives-du-sol.html) :
Agen. Ermitage : «Ne détruisez pas les archives du sol»
, | L’association «La Mirande» vient d’appeler les archéologues du Lot-et-Garonne pour faire le point sur les «fouilles» préventives à l’Ermitage. Et lancer un appel aux élus…
Les sondages réalisés en début d’année ont donné «des résultats significatifs». C’est Michel Couderc, le président de «La Mirande» qui le dit. Mais il base son propos sur des avis plus autorisés encore. «On attend pour le mois de mai le rapport définitif de l’INRAP (Institut de recherches archéologiques préventives) et la lecture qu’en fera le Service régional de l’archéologie». Et puis, autorisés aussi, les avis et commentaires de l’Association des archéologues du Lot-et-Garonne, «ce que le diagnostic a permis de confirmer, c‘est bien la place de l’Agenais sur la carte du monde gaulois et gallo-romain». Pour Jean-François Garnier, secrétaire de l’association départementale, «on vient de confirmer les recherches précédentes. L’oppidum de l’Ermitagne était le centre d’un royaume, celui des Nitiobroges dont on trouve trace d’ailleurs dans les écrits de Jules César, qui désigne nommément le roi et le prince d’une vaste zone dépassant les limites du Lot-et-Garonne d’aujourd’hui…».
L’épée à antennes
Le diagnostic et les sondages ne portent que sur une surface représentant 5 % de la zone sur laquelle pourrait être implanté le lotissement qui alimente toutes les critiques de «La Mirande». «C’est peu et cela laisse augurer de découvertes plus grandes encore, essentielles pour comprendre la naissance de la ville d’Agen.» Il s’agit, selon le mot des archéologues du département, «d’archives du sol» venues d’une époque qui n’avait que très peu d’archives écrites. «On a connu par le passé, sur Agen, des projets immobiliers qui ont totalement effacé ces archives du sol.» En l’occurrence, sur l’Ermitage, la mise au jour d’une chaussée – «un axe de circulation datant de 50 avant JC» – ouvre le champ des possibles. Mais la découverte la plus importante, et «pas forcément la plus spectaculaire», est une tête en bronze de quelques centimètres, «l’extrémité d’une épée poignard à antennes dont on ne connaît que 10 exemplaires en France». Pour les archéologues du département, François Stéphanus ou Claude Gras, «cette découverte atteste de la présence de gens armés sur le coteau de l’Ermitage». De quoi, en tout cas, attirer l’attention des candidats d’aujourd’hui, élus de demain. «Évitons les erreurs passées, ne rendons pas le sol opaque pour un lotissement qui enterrerait à jamais la préhistoire d’Agen».
Ce sera, en effet, aux élus de l’Agenais de décider, in fine, l’avenir qu’ils dessinent pour l’Ermitage. Un lotissement ou un lieu d’histoire et, pourquoi pas, de «tourisme culturel» ?
J.-L. A