Le canon a tonné par là : les Français au sommet des collines

Les soldats de Napoléon face aux Anglo-Portugais. La bataille livrée le 27 février 1814 a laissé des traces.

«Parfois, quand on laboure, on trouve encore des balles en plomb. J’ai même découvert une pièce avec le portrait de Louis XVI dans le chemin qui passe devant chez moi. » Affichant gaillardement ses 77 ans, Claude Dussarat habite le quartier Laclotte, à la sortie d’Orthez. Et il est passionné d’histoire. « Je lis un peu de tout » confie-t-il.

Voici 200 ans, à l’endroit même où il est occupé cet après-midi-là à réparer un semoir, les troupes françaises commandées par le maréchal Soult alignaient leurs canons, leurs fusils et leurs baïonnettes face aux soldats anglais et portugais. De rudes gaillards qui les avaient chassés d’Espagne l’année précédente, et qui montaient à l’assaut de la ligne de crête sur laquelle file la route de Dax.

Cette bataille d’Orthez, qui s’est en fait aussi livrée à Saint-Boès, le retraité n’en ignore rien. « J’ai lu entièrement son récit, côté anglais et côté français. » Et comme il connaît les lieux comme sa poche, cet ancien maraîcher n’a eu aucun mal à se repérer. « Tenez, regardez là-bas, au niveau du gros chêne. Il y a une source où les soldats français venaient se désaltérer. Elle est potable. Je l’utilise encore pour arroser mes légumes. Son eau est à 12 degrés et à débit constant. »

4 800 tués ou blessés

Dans la foulée, Claude Dussarat n’éprouve aucune difficulté à désigner le contrefort tout proche de l’Escouriet, où les artilleurs du général gallois Thomas Picton avaient installé leurs batteries pour pilonner les Français. Ce sont d’ailleurs les éclats d’un shrapnel tiré par un canon anglais qui devaient blesser le général français Foy à l’épaule, en pleine bataille.

Un monument aménagé à quelques dizaines de mètres de la ferme de l’Orthézien rend aujourd’hui hommage aux victimes de ce terrible affrontement qui fit environ 4 800 tués ou blessés dans les deux camps.

« L’assaut donné par les Anglais et les Portugais a dû être très difficile » estime le septuagénaire. « Car ça monte pas mal à certains endroits. Quand je chasse, je peux le voir. »

« Ah oui, Napoléon ! »

À moins de deux kilomètres de là, dans le village voisin de Saint-Boès, où de féroces combats se sont également déroulés, tous n’ont pas forcément la même connaissance de l’Histoire.

« J’ai entendu dire qu’ils sont passés par ce petit chemin » dit une dame rencontrée près de l’église. Sans préciser qui ce « ils » désignent, mais avant de parler de la plaque commémorative installée sur la façade de l’école. Chaque année, au moins un bus rempli d’Anglais s’arrête dans le coin, ajoute-t-elle.

« La bataille ? Ah oui, Napoléon ! » s’exclame pour sa part un retraité de l’industrie pétrolière installé dans le secteur de Mousquès. « J’en ai entendu parler. Surtout depuis qu’une reconstitution a été organisée il y a quelques années. » Lui, ceux qu’il croise parfois, ne sont pas armés de sabres ou de baïonnette, mais de « poêles à frire ». Des détecteurs de métaux destinés à retrouver quelques vestiges du passé. « Je n’ai jamais rien trouvé ni cherché » dit-il en riant. « Mais entrez donc ! Vous voulez boire quelque chose ? »

Les écoliers à qui l’on raconte la bataille d’Orthez doivent être déçus. Napoléon n’était pas présent en Béarn le 27 février 1814. L’empereur, qui devait abdiquer deux mois plus tard, était alors occupé à combattre les Autrichiens à Bar-sur-Aube, après que l’Est de la France ait été envahi par les armées de plusieurs pays, dont la Russie et la Prusse.

La bataille livrée sur les collines qui relient Saint-Boès à Orthez a mis aux prises 36 000 Français commandés par le maréchal Soult à environ 38 000 Anglais et Portugais placés sous les ordres du marquis de Wellington. Celui-là même qui, un an plus tard, devait vaincre Napoléon à Waterloo avec l’aide déterminante des Prussiens du feld-maréchal Blücher.

Fin 1813, l’armée alliée de Wellington, qui comprenait aussi des troupes espagnoles, avait chassé d’Espagne les Français ayant occupé la péninsule ibérique pendant plusieurs années. Elle avait ensuite pénétré au Pays Basque, puis elle s’était avancée vers Orthez.

Tandis que les Espagnols avaient été envoyés assiéger Navarrenx, plusieurs attaques avaient été nécessaires aux Anglais et aux Portugais pour faire céder les soldats de Napoléon disposés au sommet des collines, tout le long de la route de Dax.

Assaillis à gauche, à droite et au centre, mais aussi tournés à l’Est d’Orthez où les Anglais avaient trouvé un gué, les Français avaient finalement entamé une retraite pour se diriger vers Sault-de-Navailles.

La ville d’Orthez a également été concernée par cet affrontement puisqu’une brigade portugaise avait fait face aux troupes du général Harispe, retranchées sur la rive nord du gave, de l’autre côté du Pont Vieux.

Après la bataille, les deux armées s’étaient à nouveau affrontées à Aire-sur-l’Adour, puis dans la région de Tarbes, et enfin à Toulouse.

Article de Jean-Jacques Nicomette paru dans Sud Ouest le 16/07/13. Source : http://www.sudouest.fr/2013/07/16/le-canon-a-tonne-par-la-les-francais-au-sommet-des-collines-1116010-4329.php

On notera la mention du passage de pilleurs utilisant des détecteurs de métaux pour voler des objets relatifs à ce lieu historique. De source sûre, ces objets n’ont jamais été déclarés et nulle demande préfectorale d’utiliser le détecteur sur ce lieu assimilable à un site archéologique n’a été déposée.

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