Progressivement, le domaine chronologique pris en compte par la recherche archéologique s’amplifie jusqu’à englober des périodes « récentes » du 20e siècle. Le quotidien Sud Ouest évoque aujourd’hui dans un article les prospections subaquatiques entreprises dans le but de repérer et répertorier les vestiges du fameux Mur de l’Atlantique, vaste dispositif défensif mis en place par les Allemands sur la côte française lors de l’Occupation. Le littoral aquitain a connu lui aussi l’installation d’infrastructures destinées à se prémunir d’un éventuel débarquement Allié. Celui-ci aura bien lieu, mais en Normandie… Voici donc un aperçu de l’article (source : http://www.sudouest.fr/2014/08/30/dans-le-secret-des-blockhaus-sous-marins-1655606-1504.php) :

Dans le secret des blockhaus sous-marins

L’érosion a envoyé par le fond une batterie complète aménagée en 1943 et 1944. Ses éléments ont été répertoriés par une équipe d’archéologues plongeurs.

Dans le secret des blockhaus sous-marins
Marc Mentel a l’habitude de plonger depuis trois décennies sur le site des Gaillouneys. Ici sur le blockhaus 646, qui protégeait un puits et une citerne. © Photo

PHOTOS LAURENT THEILLET
Au vu du paysage marin qui déroule ses fastes depuis la dune du Pilat, on a peine à croire qu’il y a soixante-dix ans, les passes du bassin d’Arcachon étaient hérissées de canons de l’armée allemande. Le temps a fait son œuvre sur le mur de l’Atlantique, qu’aucun soldat allié n’a eu besoin d’escalader dans ces contrées. La batterie des Gaillouneys – du nom de la maison forestière de l’autre côté de la dune – a maintenant disparu sous les flots.L’ensemble était fort de 18 blockhaus, répartis sur environ 500 mètres de linéaire. Ils verrouillaient l’entrée sud du Bassin. Seul l’un d’entre eux est encore totalement découvert à marée basse – par un coefficient de marée de 60, la moyenne. Trois autres barbotent dans le clapot, à l’étale de basse mer, comme des récifs de bord de plage. Le reste ? Immergés à une dizaine de mètres de profondeur, les énormes blocs de béton et de ferraille ne sont plus troublés par les déferlantes depuis des années, voire des décennies.

BIODIVERSITÉ – Des abris à faune

Les chasseurs sous-marins connaissent souvent les blockhaus, qui abritent une faune très riche et très variée. Celle-ci y est fixée par la grande diversité des espèces. Le béton a été colonisé par des murs d’anémones bijoux et d’anémones marguerites et par toute la gamme des crustacés : étrilles, dormeurs, araignées de mer, homards etc. Au hasard des cavités, on trouve aussi des seiches, des congres, des raies torpilles, des poulpes, des hippocampes, des crevettes bouquets, des tacauds etc.

Pour en embrasser la réalité, il faut être plongeur. Et, de préférence, se pencher sur la carte exhaustive du site, publiée il y a quelques jours par le Gramasa (Groupe de recherches archéologiques sur le mur de l’Atlantique secteur Arcachon) et vendue dans quelques magasins spécialisés. Il s’agit de la mouture actualisée d’un travail qui avait connu son premier aboutissement il y a dix ans, en 2004. Un travail de titan aquatique, affiné au fil de 300 relevés. Tout ou presque y figure : les coordonnées GPS des casemates, leur architecture intérieure, la distance qui les sépare, les points les plus et les moins profonds au droit de chacune des structures, etc.

 

La plongée dans les archives

Le Gramasa, installé à Gujan-Mestras, sur la rive sud du Bassin, est l’artisan majeur du dévoilement de ces fortifications, « le complexe immergé du mur de l’Atlantique le plus important identifié à ce jour en Europe », selon Marc Mentel, son président. Il y a une quinzaine d’années encore, ces bunkers sous-marins étaient livrés aux jeux des passionnés et/ou des farfelus, ils n’étaient pas l’objet d’une science bien établie. « On en sait moins sur ces constructions que sur le moindre détail des châteaux forts. Ou des villas gallo-romaines », s’étonne toujours Marc Mentel.

L’intéressé a longtemps traqué le poisson autour des abris de béton des Gaillouneys, sans en saisir les dédales. Il a appris à plonger il y a trente ans sur ces masses sombres qui émaillent les fonds. C’est en mémoire de Denis Sirven, plongeur émérite avec lequel il a longuement palmé sur les lieux, qu’il a décidé de remédier aux lacunes sur le sujet.

En 1998, il s’y est attelé avec toute la rigueur méthodique du professeur de physique-chimie qu’il est, dans l’eau mais surtout sur la terre ferme. Il s’est mis en quête de tous les documents qui avaient trait aux ouvrages défensifs du Bassin, par exemple aux archives de la Marine nationale à Rochefort, en Charente-Maritime, comme au siège du service historique de la Défense, à Vincennes en banlieue parisienne. Il a aussi déniché de vieilles photos aériennes auprès de l’IGN, l’Institut de l’information géographique. Le Graal ? Les plans allemands, sur lesquels il a enfin mis la main.

Il a validé ces plongées dans la paperasse en vérifiant in situ avec Laurent Prades, un autre adepte des profondeurs contaminé par le virus. Depuis cet épisode et la publication de la première carte, le Gramasa n’eut de cesse d’accumuler les connaissances historiques. Sur les systèmes de fixation des canons à l’intérieur des casemates, par exemple. Le Département des recherches archéologiques sous-marines, le Drassm – un service de l’État – a appuyé ses recherches. La station marine d’Arcachon de l’université Bordeaux 1 aussi. Des études et des fouilles ont été diligentées. Leur apport permet aujourd’hui à une nouvelle carte de voir le jour. « Mais on ne sait encore rien ! », tempère Marc Mentel.

Une érosion spectaculaire

L’examen attentif des photos aériennes a reconstitué le travail de sape de l’érosion. La dune a reculé au fil des ans, elle a abandonné les blockhaus sur la plage avant qu’ils ne plongent dans la passe. « Après-guerre, le recul a été d’environ 17 mètres par an en moyenne pendant vingt ans. Le trait de côte s’est avéré plus stable par la suite. Il y a aussi eu des phases de réengraissement de la plage », résume Marc Mentel. Issue des données du Gramasa, l’infographie ci-contre retrace ces oscillations erratiques. C’est une tendance, pas un relevé effectué selon un protocole scientifique incontestable.

Celle-ci illustre néanmoins la problématique générale de l’érosion du rivage, en Aquitaine comme en Charente-Maritime. Mais elle procède aussi d’une situation très particulière. À la sortie du Bassin, où le courant latéral à la plage est puissant, la dégringolade sous-marine des bunkers a sans doute modifié le jeu normal des éléments. Le sable a tendance à s’amasser en conche au nord des blockhaus alors que le sud, proche de la plage du Petit Nice – bien connue des Bordelais – est de plus en plus décapé.

Si cette dynamique se poursuit, viendra probablement le jour où toutes les casemates auront rejoint le monde du silence. Mais elles resteront accessibles aux plongeurs, les forts courants les préservant de l’ensablement. Et elles seront à jamais colonisées par la vie, des anémones aux congres, bien loin de leur mission d’origine.

Certaines activités font partie intégrante du Patrimoine gascon. C’est le cas du gemmage, activité qui consistait dès l’Ancien Régime, à récolter la résine sur le pin maritime sans avoir besoin de couper celui-ci. La récupération de la résine sur pin mort, par cuisson du bois, est attestée quant à elle dès le premier siècle de notre ère, mais il s’agit dans ce cas de production de poix ou goudron végétal. Depuis l’arrêt officiel du gemmage dans les Landes dans les années 80, un ancien gemmeur comme Claude Courau, auteur d’ouvrages sur le sujet, s’est battu pour la relance du gemmage dans la forêt des Landes de Gascogne. L’idée a fait son chemin et les industriels prêtent désormais une oreille attentive à ceux qui en parlent. Le quotidien Sud-Ouest revient sur des expérimentations en cours dans le massif forestier (source : http://www.sudouest.fr/2014/08/29/gemme-tu-aimes-il-aime-1654603-3417.php) :

Gemme, tu aimes, il aime

Un chantier expérimental de relance du gemmage espère faire renaître l’activité dans les Landes

Gemme, tu aimes, il aime
Les salariés de l’Esat du Marensin à l’œuvre dans les bois de Lesperon. © Photo

photo pascal bats / « SO »

jean-françois renaut

jf.renaut@sudouest.fr

C’est Paul Faury, le directeur du travail dans les Landes, qui s’est chargé personnellement de caler le rendez-vous. Un rendez-vous à Lesperon, canton de Morcenx, à proximité immédiate des locaux de l’Esat (Établissement et service d’aide par le travail) du Marensin géré par l’association Aviada.

Le lieu n’est absolument pas anecdotique. Il jouxte une parcelle de 6 hectares comptant environ 700 pins qui, avec un bout de forêt communale de 200 pins, est le cœur vert de l’expérimentation menée autour de la relance du gemmage. Le sylviculteur, Philipe Mora, explique pourquoi il accueille ce chantier. « L’idée est de voir si cette filière historique dans les Landes (jusque dans les années 60, on y a compté jusqu’à 30 000 gemmeurs) peut être relancée. » Il est particulièrement attentif à la façon dont ses arbres sont gemmés.

« Les pins sont saignés de façon correcte », avance t-il et normalement des arbres saignés donnent du bois de meilleure qualité, aussi résistant que du chêne. Avec un potentiel bémol néanmoins. « Les huit à dix cicatrices qu’ils portent peuvent faire des nœuds, il faudra voir. »

Bémol : le coût de production

En termes de résine produite, l’objectif de 2,5 tonnes est modeste. Une dizaine de travailleurs handicapés de l’Esat œuvrent en usant de techniques novatrices.

La difficulté majeure dans la relance de la gemme n’est en effet pas constituée par le produit lui-même, d’excellente qualité puisqu’issu d’une forêt certifiée, mais dans son coût de production rapporté à son prix de vente. « Les recherches vont tous azimuts », explicite Paul Faury, « dans le matériel comme dans l’organisation du travail. Le but est de se rapprocher du prix du marché. » Un marché dominé par la Chine et le Brésil qui produisent quasiment toute l’année contre seulement six mois en France. En dessous de 8 à 9° le matin, un pin ne coule pas. Sans compter, c’est loin d’être un détail, le coût de la main-d’œuvre.

En dehors, de la commune de Lesperon, de l’Etat et du Conseil général, qui ont donné respectivement 15 000 et 5 000 euros, plusieurs sociétés sont partenaires de l’opération. L’institut bordelais Rescoll qui assure le portage juridique et financier du projet, l’entreprise bourguignonne Holiste et la dacquoise DRT, acteur majeur du secteur, et sa filiale de Lesperon, Granel qui assurera la distillation de la résine récoltée.

Marchés de niches

En effet, la résine ne peut pas être utilisée telle quelle, il faut que soit séparé les 30 % de térébenthine et les quelque 70 % de colophane. C’est l’essence de térébenthine qui intéresse Marie-Laure Delanef, créatrice d’Holiste, spécialisée dans la santé et le bien-être. « On en utilise 20 tonnes par an et nos besoins augmentent. Aujourd’hui, on s’approvisionne au Portugal parce que le produit y est meilleur. »

Probablement pas meilleur que la bonne gemme de chez nous. « Une qualité comme ça renvoyant à un haut niveau d’exigence environnementale, ça existe peu », poursuit la chef d’entreprise. C’est une de ses motivations au même titre que sécuriser son approvisionnement.

La qualité provient aussi de la façon de récolter. Fini les vieux pots en terre et à l’air libre, place à des « bags in box » fermés ce qui empêche l’évaporation et évite les impuretés.

Si la térébenthine a donc des débouchés, c’est plus complexe pour la colophane. Philippe Sainte-Cluque, directeur des achats à la DRT, l’explique. « Au-delà de 1,6 € le kilo, c’est compliqué pour nous d’acheter. Le prix n’est plus assez compétitif. »

Un enjeu important consistera à trouver une ou des niches pour cette colophane qui, transformée, entre dans la composition d’adhésifs, encre ou chewing-gum.

« Un objectif atteignable, c’est deux fois le prix du marché qui est d’environ 1 euro le kilo de résine », éclaire Luc Leneveu, chef de projet chez Biogemme. Pas sûr que même à ce prix-là, la qualité de la gemme landaise fasse la différence.

De vraies perspectives sont ouvertes mais de nombreuses interrogations subsistent.

Le service archéologique de la CUB est toujours en quête de la villa de Carbon-Blanc. Le quotidien Sud Ouest rapporte les toutes dernières découvertes plutôt encourageantes (source : http://www.sudouest.fr/2014/08/16/la-decouverte-du-tresor-1643704-2809.php) :

La découverte du trésor

Après des débuts peu fructueux, une partie de la villa a finalement été retrouvée par le service archéologie de la CUB.

La découverte du trésor
David Hourcade explique à Yves Castex la suite des travaux. © Photo

Photos D. C.

À l’instar d’une série télévisée, chaque journée passée sur les fouilles de la place Vialolle permet d’écrire un scénario différent.

À la fin de la semaine dernière, la petite équipe du service archéologique de la CUB, conduite par David Hourcade, était partie en week-end, contente certes d’avoir découvert quelques bricoles, mais déçue de ne pas avoir découvert la villa gallo-romaine. Et puis, lundi matin, dès les premiers coups de pelleteuse, le miracle s’est produit. Avec beaucoup de précautions, et à leur plus grande joie, les chercheurs ont pu mettre à jour, à 1,20 m de profondeur et sur 0.5 à 1 m d’élévation, les bases de cette fameuse villa, recherchée depuis une semaine.

Une nouvelle qui fait du bruit

Attendue par les archéologues mais aussi par les historiens, la découverte d’une partie de cette villa, qui permettait aux Romains fortunés de venir prendre des bains et se faire masser, a drainé du monde dès mardi matin. Alain Turby, le maire, et une partie du Conseil municipal ont ainsi accueilli Stéphane Peyrichou, chef de la Direction bâtiment et moyens (DBM) de la CUB, Pierre Régaldo du SRA (Service régional de l’archéologie) dépendant de la Drac Aquitaine (Direction régionale des affaires culturelles), sans oublier les historiens de la commune que sont Yves Castex et Jean-Paul Grasset, adjoint en charge du patrimoine.

Que faire de la découverte ?

Cette question occupe les esprits des nombreuses personnes s’intéressant à cette découverte. C’est Alain Turby qui lance les premières idées.

« En fonction de l’intérêt que représente cette découverte, tant pour la ville, la CUB, la région, que pour les services en charge de la conservation du patrimoine (DRAC), plusieurs pistes commencent à se dessiner. La plus simple consisterait à reproduire, sous forme de dessin, l’emplacement exact de la villa sur le parking, après réfection. » Selon le maire, « l’autre idée, beaucoup plus ambitieuse, serait de reconstruire, au niveau du sol, le bâti, tel qu’il existe sous terre. Cela aurait pour conséquence de condamner tout ou une partie du parking et, si cette solution était retenue, il faudrait peut-être réfléchir au devenir du foyer municipal, dont l’état commence à désirer ».

Daniel Charpentier

On en apprend un peu plus sur le chantier qui occupe en ce moment le service archéologique de la CUB (source : http://www.sudouest.fr/2014/08/13/un-chantier-prometteur-1640697-2809.php) :

Un chantier prometteur

Des élus du Conseil municipal se sont rendus sur le site des fouilles archéologiques. L’occasion de faire le point sur les découvertes.

Un chantier prometteur
Le responsable des recherches, David Hourcade, montre aux élus quelques prélèvements découverts lors des fouilles. © Photo

Photo D. C.

 

Vendredi dernier, David Hourcade, responsable des recherches archéologiques qui se déroulent place Vialolle (notre édition du 8 août), recevait une délégation du Conseil municipal avec Alain Turby, le maire, en tête. Et ce, pour faire un point sur les découvertes après une semaine de travaux.Trois tranchées, sur les quatre prévues, ont permis de découvrir du mobilier archéologique, des morceaux d’amphores et des céramiques d’époque. Ces découvertes attestent, selon David Hourcade, de la présence d’une construction antique.Après quelques explications, le responsable du chantier a montré aux élus présents les prélèvements qui vont être analysés. Il a également fait état de la découverte d’un bac, type lavoir, alimenté par une source. Ces faits ont été corroborés par un ancien Carbonblannais de 77 ans, qui se souvient de la présence d’eau dans ces lieux.

L’archéologue est donc intéressé par tous les témoignages de personnes ayant, à quelque niveau que cela soit, participé à la construction de la salle des fêtes, et donc susceptibles de faire avancer les fouilles (1).

Quand au chantier de réhabilitation de cette place, il est prévu pour un démarrage courant mars prochain.

Daniel Charpentier

(1) Les personnes susceptibles d’apporter un témoignage quant aux fouilles peuvent contacter Henri Guérin au 05 57 77 68 64.

De l’anthropologie physique à l’anthropologie sociale. Un entretien particulièrement intéressant paru dans le quotidien Sud-Ouest ce jour (source : http://www.sudouest.fr/2014/08/12/amours-prehistoriques-1640121-2780.php) :

Amours préhistoriques

Une équipe bordelaise du CNRS vient de dévoiler que les premiers hommes éprouvaient de la compassion.

Amours préhistoriques
Hélène Coqueugniot. © Photo

PHOTO DR

« Sud Ouest ». Vous venez de mener une étude montrant que les tout premiers hommes étaient capables de compassion et d’altruisme envers leurs semblables. Qu’est-ce qui a déclenché ces recherches ?

Hélène Coqueugniot (1). Une de mes collègues, Anne-Marie Tillier, a décidé de rouvrir l’enquête sur un crâne d’enfant découvert avec de nombreuses autres sépultures sur le site de Qafzeh, en Israël, dans les années 1970. Ces sépultures sont celles de tout premiers hommes, datant de 100 000 ans.

Une première étude de ce crâne avait été faite en 1981, montrant une fracture dans la partie frontale. Se doutant que cette fracture n’était pas vraiment bénigne, Anne-Marie Tillier nous a demandé d’utiliser nos nouveaux outils d’imagerie tridimensionnelle pour faire d’autres recherches sur ce crâne.

Comment avez-vous procédé ?

Ce travail nous a pris deux ans. Il a fallu sortir les fossiles du musée, demander des autorisations, faire scanner le crâne de l’enfant à l’hôpital d’Haïfa. À partir des coupes qu’ils nous ont envoyées, nous avons reconstitué le moulage endocrânien de cet enfant de 12-13 ans grâce à un logiciel qu’un des ingénieurs de notre laboratoire a lui-même conçu. Ce logiciel d’imagerie 3D, dédié à l’archéologie et à l’anthropologie, permet des reconstructions tridimensionnelles extrêmement fidèles.

Que vous a-t-il permis de voir ?

En reconstruisant ce moulage, nous avons vu que le choc crânien qu’avait subi cet enfant avait eu aussi un impact sur son cerveau. Selon notre hypothèse, l’enfant a subi ce traumatisme vers l’âge de 6 ans. Il a a stoppé la croissance cérébrale et a provoqué des séquelles cognitives et comportementales. Le choc a eu lieu dans la partie frontale droite, qui correspond aux aires en relation avec le comportement, les relations sociales, les parties cognitives. Cet enfant avait donc un comportement très particulier et des problèmes relationnels avec les autres.

Et pourtant, les autres membres du groupe ont eu un égard particulier pour cet enfant au moment de sa mort…

Oui. Sur le site de Qafzeh, où ont été retrouvées une vingtaine de sépultures, cet enfant est le seul qui a bénéficié d’une offrande au moment de son inhumation. Deux bois de cervidés ont été déposés sur sa poitrine. Le groupe a pris la peine d’offrir à cet enfant une sépulture particulière pour le comportement spécial qu’il avait de son vivant.

Cette découverte est-elle une première mondiale ?

Pour la première fois, nous disposons à la fois de données anthropologiques, paléopathologiques et archéologiques, qui toutes trois corroborent l’hypothèse d’altruisme et de compassion chez les tout premiers hommes modernes de 100 000 ans. Nous avons toutes les preuves réunies pour le démontrer.

Va-t-il y avoir une suite à cette étude (2) ?

Déjà, nous sommes ravis de ces résultats. Faire des découvertes à partir de fossiles d’enfants est plutôt novateur et intéressant, car ils passent souvent après l’étude des squelettes adultes. Sur le site de Qafzeh, il y a d’autres sépultures d’enfants. Anne-Marie Tillier aimerait revoir des choses sur certaines.

(1) Hélène Coqueugniot est anthropologue, directrice de recherche CNRS. Son laboratoire de recherche, « De la préhistoire à l’actuel : culture, environnement et anthropologie » (PACEA), est rattaché au CNRS, à l’université de Bordeaux, au ministère de la Culture et de la Communication et associé à l’INRAP. PACEA fait également partie du Laboratoire d’excellence (Labex) des sciences archéologiques de Bordeaux et de la Fédération des sciences archéologiques. (2) Les résultats de l’étude viennent d’être publiés dans la revue « Plos One ».