Programme compliqué samedi 26 mars en Basse Navarre (64, EH) !

En effet, pas moins de deux manifestations archéologiques auront lieu à la même heure (à 17h), l’une à Saint-Etienne-de-Baïgorry, l’autre à Saint-Jean-Pied-de-Port. C’est au moins preuve d’une certaine vitalité en la matière qui ferait rougir les territoires voisins !

Le quotidien Sud Ouest nous annonce donc deux rendez-vous (sources : http://www.sudouest.fr/2016/03/24/la-richesse-historique-des-montagnes-2310857-4385.php et http://www.sudouest.fr/2016/03/24/l-identite-en-question-2310734-4377.php ). Hasard du calendrier ?

La richesse historique des montagnes

Un travail d’inventaire des anciennes structures agropastorales a été entrepris sur le massif d’Urkulu.
Un travail d’inventaire des anciennes structures agropastorales a été entrepris sur le massif d’Urkulu. ©Photo P. c.

Samedi 26 mars, à 17 heures, dans la salle d’honneur de la mairie de Saint-Jean-Pied-de-Port, se déroulera une conférence organisée par Les Amis de la Vieille Navarre sur le thème de l’archéologie montagnarde. L’intitulé est le suivant : « Archéologie pastorale du massif d’Urkulu, inventaire et recherches ».

Éric Dupré-Moretti présentera ainsi le projet de recherche de l’équipe d’Arkeo Ikuska du centre de recherches scientifiques du Pays basque Crespb-Ikuska, qui porte sur l’anthropisation (c’est à dire la transformation d’espaces, de paysages, d’écosystèmes ou de milieux semi-naturels sous l’action de l’homme) et la dynamique spatiale des environnements humains des montagnes de Cize.

Structures agropastorales

En 2013, l’équipe d’Arkeo Ikuska a initié un travail d’inventaire conséquent des anciennes structures agropastorales du massif d’Urkulu-Orion entre les vallées d’Arnéguy et de la Nive de Béhérobie. Ce travail a été reconduit en 2014 et 2015. Il le sera à nouveau en 2016. Un travail similaire a été réalisé de l’autre côté de la Navarre, en collaboration avec une équipe de la Sociedad de ciencias d’Aranyadi (Saint-Sébastien). Ce sont au total près de 270 structures anciennes qui ont été inventoriées. Elle s’échelonnent sur le temps, long depuis la protohistoire voire le néolithique final jusqu’à la première moitié du XXe siècle. Une conférence passionnante à ne pas manquer.

Patrice Crusson

L’identité en question

Les bergers proto-basques seront évoqués samedi.
Les bergers proto-basques seront évoqués samedi. ©Photo DR

L‘Université populaire du Pays basque (UPPB) propose le samedi 26 mars, à 17 heures, à la salle Elizonde, un café-archéo sur le thème « Archéologie, histoire(s) nationales(s) et identité ».

Pablo Marticorena, docteur en archéologie, directeur et animateur à l’UPPB, membre du laboratoire Traces de Toulouse, questionnera les notions d’identité archéologique et de culture matérielle et verra comment, des Gaulois aux bergers proto-basques, l’archéologie peut être un instrument au service des constructions identitaires modernes.

Xabi

Source : http://www.sudouest.fr/2016/03/15/une-etude-confirme-sa-valeur-patrimoniale-2301601-3632.php

Une étude confirme sa valeur patrimoniale

La tour de Lacassagne aurait été édifiée entre la fin de XIVe siècle et le début du XVe.
La tour de Lacassagne aurait été édifiée entre la fin de XIVe siècle et le début du XVe. ©

Photo C. m.

Les Boétiens s’en doutaient fortement. Une étude, menée par le cabinet Hades, spécialisé dans l’archéologie, vient de le confirmer : avec la tour Lacassagne, la commune possède un site remarquable.

La construction de cette tour, située en bord de Garonne tout près de Boé-Village, daterait de la fin du XIVe siècle ou du début du XVe.

« Le domaine foncier qui l’entourait avoisinait les 17 hectares et comprenait un jardin, un verger, une petite garenne, des vignes, des prés et une majorité de terres labourables », détaille le maire, Christian Dézalos

L’étude précise que cette tour est l’exemple même d’une originalité présente au Moyen Âge dans la coutume locale et qui accordait aux bourgeois agenais le droit de créer des bastides, des ouvrages fortifiés, sur leurs terres, situées à l’intérieur de la juridiction. Des maisons fortes, telle que la tour boétienne, prenaient place sur des mottes, entourées parfois de fossés, et étaient situées au centre de ces bastides.

Des voies à contrôler

Sa construction, c’est aux La Cassaigne qu’elle est due. Les archives révèlent l’importance de cette famille qui constitue une des plus influentes à Agen, dès la fin du XIIe siècle, avec plusieurs membres consuls d’Agen au temps du Moyen Âge. « L’étude ne lève pas toutes les zones d’ombre du site, mais elle confirme comme indéniable l’intérêt historique de la tour de Lacassagne. » Ses origines sont très probablement à chercher dans la volonté des Agenais de contrôler les voies de communication dans cette partie sud de la juridiction que constitue la plaine de Boé, en particulier au moment des troubles militaires les plus importants dans les années 1350. C’était une véritable porte d’entrée de l’Agenais qu’il fallait surveiller. La tour pouvait contrôler le passage de la Garonne, autrefois appelé gué de Lécussan, mais sans doute et surtout les routes dont ce dernier était l’aboutissement : la route d’Agen à Moirax.

Désormais, la Ville étudie tous les moyens de mettre en valeur ce site. « C’est un pan indiscutable de notre patrimoine, estime le maire Les faits sont là. Aussi, nous devons lancer une réflexion sur son devenir en accord avec les finances de la Ville. »

Corinne Malet

Le quotidien Sud Ouest se fait l’écho d’une conférence présentée par l’historien de la forêt landaise Jacques Sargos à Hourtin (33) (source : http://www.sudouest.fr/2016/03/12/qui-etait-reellement-jules-chambrelent-2298778-2907.php)

Qui était réellement Jules Chambrelent ?

Jacques Sargos dédicace ses livres après la conférence.
Jacques Sargos dédicace ses livres après la conférence. ©

Photo R. B.

Lors de sa conférence, l’historien Jacques Sargos a donné de l’ingénieur une image beaucoup moins flatteuse que de coutume.

Le nom de Jules Chambrelent est des plus familiers aux Hourtinais puisque ce patronyme est au fronton du collège de la commune depuis des décennies. Jules Chambrelent est aussi connu pour être, avec Nicolas Brémontier, autre ingénieur des Ponts et chaussées, le « père » de la forêt landaise en étendant la forêt dans la plaine intérieure toujours insalubre, sous l’effet de la loi de 1857 soutenue par Napoléon III.

Lors de sa conférence « Histoire de la forêt landaise », donnée vendredi dernier à l’invitation de l’association Demain Hourtin Mon Village, l’historien des Landes Jacques Sargos, dont les écrits font référence en la matière, ne manqua toutefois pas de donner une image différente de Jules Chambrelent. Né à la Martinique en 1817, dont la gloire attribuée par « l’Histoire officielle, simplificatrice et réductrice » ne saurait faire oublier qu’il ne fut que celui qui formalisa au bout du compte l’ensemble des travaux initiés depuis bien longtemps par de nombreuses personnalités landaises.

Jacques Sargos de rappeler d’abord que le pin maritime existait depuis l’Antiquité sur la bordure océane et était cultivé par les Gaulois avant que les invasions barbares ne ravagent ces plantations. Pendant des siècles, les sables, qui ne rencontrent plus d’obstacle, vont s’amonceler et créer un large bassin de rétention des eaux, la région restant un marécage quasi désertique et malsain. Mais dès la fin du Moyen age, les habitants des zone côtières ont su planter les pins pour fixer l’avancée des dunes.

Au début du XIXe siècle, les landes de Gascogne possèdent déjà de belles pinèdes d’où l’on tire du bois et des produits résineux. Jacques Sargos réfute la légende selon laquelle « le massif gascon aurait été semé à la vitesse de la foudre par deux ou trois bienfaiteurs, sous l’œil médusé des indigènes ».

Un imposteur ?

Déjà en son temps, Nicolas Brémontier avait profité, et passé sous silence, des travaux de l’abbé Desbiey, de l’ingénieur de la marine Charlevoix de Villers ou de l’inspecteur des travaux Peyjehan pour passer à la postérité.

L’historien, après un long et minutieux travail d’analyse de documents, réfute également la tradition qui fait de Jules Chambrelent l’inventeur du système de drainage et du réseau de crastes ayant permis au boisement d’envahir l’ensemble du pays. Remarqué par Napoléon III, il s’approprie ainsi la paternité de la loi de 1857 relative à l’assainissement des Landes de Gascogne, alors que le rôle de l’empereur a été prépondérant en la matière. Surtout il souligne que la postérité a indûment attribué à Chambrelent une gloire qui n’est due qu’à l’ingénieur Henri Crouzet, par exemple, l’invention des puits filtrants… mais ce dernier, très modeste, n’a rien écrit, à l’exception de rapports administratifs, dont Jacques Sargos a pu toutefois prendre connaissance. Chambrelent, lui, a laissé un livre « Les Landes de Gascogne », « véritable apologie de son œuvre ou de celle qu’il s’attribue ».

Chambrelent, très en cour, eut aussi son historiographe en la personne d’Edmond About qui l’a campé dans son roman « Maître Pierre » où il est facile de reconnaître l’ingénieur des Ponts et Chaussées sous le masque du paysan gascon ! Crouzet a aussi eu son apologiste, J. B. Lescarret, avocat à Bordeaux, mais de faible notoriété. Et Jacques Sargos de s’interroger.

« Si Edmond About avait rencontré Crouzet, l’oublié, le méconnu serait peut-être bien aujourd’hui Chambrelent ! ».

Robert Boivinet

S’il n’est pas envisageable de douter des compétences de Jacques Sargos, grand spécialiste de l’histoire de la forêt landaise, il convient de revenir sur des éléments évoqués dans l’article.

_ « le pin maritime existait depuis l’Antiquité sur la bordure océane » : le pin maritime existait en fait depuis le Néolithique, soit plusieurs millénaires avant l’Antiquité, comme le prouvent depuis les années 80 plusieurs analyses de pollens conservés au plus profond de tourbières landaises et girondines. Ensuite, le pin existait partout, de la côte jusqu’au milieu des terres dans le Marsan, autre renseignement hérité des analyses palynologiques et pas seulement sur la côte comme on le croyait au milieu du XXe siècle. Enfin, le pin n’était pas l’arbre roi de la forêt landaise comme des générations de forestiers ont voulu le faire croire : avant l’époque moderne et depuis la fin du Néolithique, le chêne était l’essence d’arbre la plus représentée, que ce soit sur des terrains égouttés ou périodiquement humides.

Document-1-page8(image tirée de la publication d’Elodie Faure et Didier Galop « La fin du paradigme du désert landais : histoire de la végétation et de l’anthropisation à partir de l’étude palynologique de quelques lagunes de la Grande Lande » parue dans les actes du colloque de Sabres « De la lagune à l’airial« )

_ « le pin maritime (…) était cultivé par les Gaulois » : il n’y a aucune preuve que les Aquitains (et non les Gaulois) cultivaient le pin, pas plus que les Gaulois ne le cultivaient ailleurs (chez les Gabales par exemple). En revanche, la résine était exploitée durant l’Antiquité et probablement sous l’impulsion des Romains : jusqu’ici, aucun site archéologique n’indique une exploitation de la résine avant le 1er siècle de notre ère dans la zone landaise. La production de résine répond à des besoins inhérents à la vie à la romaine, comme celui d’étanchéifier les bâteaux en assemblage de planches (les Aquitains utilisaient des pirogues) et les amphores vinaires.

_ « avant que les invasions barbares ne ravagent ces plantations » : déjà, il y a un problème de sémantique, puisque l’on ne parle plus en Histoire d’invasions barbares mais de migration des peuples pour les évènements intervenus au cours du Bas Empire. Ensuite, toujours pareil, il n’y a aucune preuve qu’existaient dans le sud-ouest des « plantations » de pins : ces derniers étaient là naturellement. Enfin, il n’y a aucun argument aujourd’hui pour considérer que la forêt landaise a disparu du jour au lendemain entre le Bas Empire et l’Antiquité tardive, encore moins sous la main de supposés « barbares ». Comme le rappelle la frise ci-dessus qui repose sur des analyses palynologiques publiées dans l’article de Faure et Galop évoqué précédemment, la disparition d’une partie de la forêt landaise au profit de la lande est un processus amorcé dès l’Age du Bronze, qui s’est accéléré à l’Age du Fer pour devenir une constante à l’époque antique. Au Moyen Age, la lande est dominante : c’est l’aboutissement, non d’une catastrophe humaine ou climatique, mais d’un choix économique. En effet, la lande n’existe que par l’entretien constant des communautés agropastorales, par défrichement et écobuage. Une fois cet entretien interrompu, la forêt regagne progressivement le terrain. Contrairement à un slogan matraqué en bord de routes landaises, OUI, il y a une forêt landaise sans les forestiers.

Ce qui est étonnant, c’est que la lecture de l’ouvrage de Jacques Sargos « Histoire de la forêt landaise » est beaucoup plus nuancé que les éléments de l’article que nous avons discutés. A se demander si l’article reprend véritablement pour cette partie ce que Jacques Sargos en a dit ou ce que le correspondant en a compris. Mystère.

 

Le Patrimoine, ce sont aussi les racines et celles de l’Aquitaine sont multiples. L’Espagne fait partie intégrante de l’Aquitaine : déjà à l’époque de la Guerre des Gaules, les Aquitains faisant face à Rome recevaient l’appui des Cantabres venus du nord de l’Hispanie, frères culturellement et partenaires commerciaux. Les liens entre Espagne et sud-ouest de la France n’ont jamais été rompus et lorsqu’il s’est agi d’accueillir les migrants de la Retirada à l’issue de la conquête fasciste de l’Espagne par le dictateur Franco, c’est tout naturellement dans le sud-ouest qu’une grande partie des déracinés espagnols s’est installée. Evidemment, le XXe siècle intervient après deux siècles d’affirmation des nationalismes en Europe et le racisme et le rejet par les populations locales ne doivent pas être passés sous silence (italiens et polonais en firent les frais auparavant, ultérieurement portugais, maghrébins et africains de la zone subsaharienne subiront à leur tour ces réactions viscérales et intolérables : européens ou trans-méditerranéens, le migrant a toujours subi le regard réprobateur et suspicieux de l’accueillant).

Oloron propose vendredi 18 mars des Ciné-Rencontres autour du traumatisme né de la Guerre Civile espagnole, (de cette fracture sociale encore bien visible aujourd’hui puisque plus que jamais coexistent deux Espagne irréconciliables) sous l’angle particulier du cinéma espagnol (source : http://www.sudouest.fr/2016/03/10/cine-rencontres-autour-de-l-histoire-espagnole-2296463-4321.php) :

Ciné-rencontres autour de l’histoire espagnole

La représentante de la Ville, A. Etchenique, P.-L. Giannerini de Trait d’union et l’équipe du Luxor, dont Florent Paris, tous rassemblés pour porter la 3e édition espagnole du festival.
La représentante de la Ville, A. Etchenique, P.-L. Giannerini de Trait d’union et l’équipe du Luxor, dont Florent Paris, tous rassemblés pour porter la 3e édition espagnole du festival. ©

Photo T. S.

La troisième édition du festival autour de la guerre civile et de la dictature espagnole débute vendredi 18 mars. Tour d’horizon de la programmation.

thibault seurin

oloron@sudouest.fr

Guerre civile et dictature en Espagne. Plus qu’un sujet historique, cette période pas si lointaine résonne toujours dans les histoires familiales de notre territoire transfrontalier.

« Oloron est, avec Toulouse, la ville qui a accueilli le plus d’Espagnols », rappelle Pierre-Louis Giannerini, de l’association Trait d’union, qui co-organise ces Ciné-rencontres avec Le Luxor et la municipalité. Vieux de quatre ans, le festival est centré pour la troisième année consécutive sur la thématique de cette histoire ibérique. « Beaucoup d’Espanols sont arrivés en masse au début du XXe siècle, mais également en 1939, poursuit Pierre-Louis Giannerini. Le maire de l’époque, Jean Mendiondou, a tout fait – avec le sous-préfet – pour que ces réfugiés restent ici. »

Justement, le film en ouverture de cette troisième édition démarre en 1939, date à laquelle le gratin des communistes espagnols rejoint l’URSS. Mais une fois la guerre achevée, nombreux voudront retrouver leurs terres. « Los Olvidados » de Karaganda raconte leur histoire.

Un début de réconciliation

« C’est notamment le cas de marins, qui assuraient la liaison Odessa – Barcelone, explique Pierre-Louis Giannerini. En 1945, certains se sont retrouvés à Barcelone, d’autres, moins chanceux, étaient bloqués à Odessa. Car l’État soviétique ne voulait pas que ces anciens combattants rentrent chez eux. Cela risquait de jeter le doute sur la réussite du modèle soviétique. » Plusieurs centaines sont envoyés au goulag, notamment au Kazakhstan, dans le camp de Karaganda. Grâce à l’ouverture des archives, l’historienne Luiza Lordache a pu reconstituer le passé de 152 prisonniers espagnols.

Un ouvrage sur les Cascarots/Kaskarots (population marginale de la côte basque assimilée à tort aux cagots) récemment sorti développe une hypothèse plutôt audacieuse sur leur origine : les Cascarots seraient ni plus ni moins que les descendants des morisques expulsés d’Espagne entre le XVI et le XVIIe siècle… Exit l’hypothèse communément admise par les historiens selon laquelle les Cascarots descendaient de bohémiens venus s’installer dans cette partie du Pays Basque, balayant tout « mystère » autour de cette question. Le quotidien Sud Ouest revient sur cette étonnante révélation (source : http://www.sudouest.fr/2016/03/11/un-ouvrage-eclaircit-le-mystere-des-cascarots-2297390-4099.php) :

Saint-Jean-de-Luz : un ouvrage éclaircit le mystère des Cascarots

Jacques Sales et son ouvrage, devant le clocher atypique de Ciboure, où se devine l’influence des Morisques.
Jacques Sales et son ouvrage, devant le clocher atypique de Ciboure, où se devine l’influence des Morisques. ©

photo S. L.

Jacques Sales a rédigé un livre qui entend mettre un terme aux supputations sur les origines de cette mystérieuse communauté

sylvain lapique

saintjeandeluz@sudouest.fr

On a tout dit et tout écrit sur les Cascarots. Qu’ils étaient des Cagots, des Bohémiens, des indigents de petite vertu ou encore… des Cathares ! Dans une très sérieuse encyclopédie, on peut même lire en face de « Cascarots » : « Nom donné aux pêcheurs de Ciboure ». Ni plus ni moins.

Jacques Sales a décidé de siffler la fin de la récré. Dans son ouvrage « étude sur les Cascarots de Ciboure », l’historien amateur se livre à une démonstration étayée sur les origines de cette mystérieuse population, dont le souvenir hante encore la mémoire collective des habitants de Saint-Jean-de-Luz et Ciboure. « J’aime la recherche et je voulais en finir avec les idées toutes faites, lance-t-il. Certaines théories ne tiennent pas la route, mais se propagent malgré tout, car on vit dans un monde de copié-collé. Or comme dit le proverbe : mille fois répété n’est pas vérité. »

Des Morisques aux Cascarots

Jacques Sales a donc mis de côté les a priori pour replonger dans les textes. Les archives de la Casa Velazquez de Madrid, les travaux des chercheurs espagnols, la généalogie cibourienne, la correspondance et la littérature de l’époque… Et selon lui, le doute n’est plus permis : les Cascarots étaient bien des Morisques, ces maures convertis au catholicisme en Espagne et chassés de la péninsule au tournant des XVIe et XVIIe siècles.

Selon les estimations, entre 500 000 et 900 000 Morisques auraient quitté l’Espagne entre 1520 et 1614, au gré des ordonnances des royaumes d’Espagne. Certains par le Nord-Est et la Catalogne, pour regagner le Maghreb via les ports français d’Agde et Marseille. D’autres par la Navarre pour passer les cols pyrénéens, sous l’influence notamment d’Henri IV – « l’Angela Merkel de l’époque », sourit Jacques Sales -, qui leur a ouvert les portes de son royaume, non sans arrière-pensées militaires et diplomatiques.

En 1610, on en dénombre 3 000 entre Saint-Jean-de-Luz et Ciboure. Ce sont eux, puis leurs descendants, que l’on nommera Cascarots à partir du XVIIIe siècle.

Abel Hugo, le frère de « l’autre », écrit d’ailleurs en 1813 dans « La France pittoresque » : « On trouve dans le Pays basque une race d’hommes que les habitants considèrent comme descendants des Sarrasins, et qu’ils désignent sous les noms de Agotac et Cascarotac. En les examinant de près, on distingue dans leur physionomie les caractères un peu affaiblis du sang africain ; ils ont même gardé quelques coutumes étrangères. »

Notamment une curieuse danse avec grelots et bâtons, au son d’une flûte à trois trous et d’un tambour joués simultanément par un même musicien. Toute ressemblance est bien évidemment fortuite…

Identité perdue

à travers le destin de cette communauté, Jacques Sales aborde la grande question de l’assimilation, avec ce qu’elle comporte d’identités perçues et d’identités perdues. Il déconstruit les amalgames, raccourcis et fantasmes qui se sont installés au fil des siècles dans l’imaginaire collectif, jusqu’à entraîner la confusion actuelle.

On a d’abord pris les Cascarots pour des Cagots, car ils appartenaient de fait à la marge de la société. Puis pour des Bohémiens, car ils se sont longtemps fait passer pour des membres de cette communauté afin d’échapper aux persécutions des autorités espagnoles. On les a résumés, enfin, à une vision romantique de femmes à la beauté sauvage, charriant les paniers de poissons frais entre les ports et les marchés de la côte, tout en vendant leurs charmes à l’occasion… « Aujourd’hui, certains Cibouriens se revendiquent Cascarots uniquement parce que l’un de leurs ancêtres était pêcheur, sourit Jacques Sales. Mais s’il est vrai que beaucoup ont trouvé de petits boulots dans la pêche, d’autres étaient charpentiers, artisans et même, pour ceux qui sont arrivés avec de l’argent, capitaines de navire… »

Environ 300 Morisques ont ainsi fait souche à Ciboure, se mariant au fil des siècles à des Basques ou des Gascons, adoptant les coutumes et la langue locales, jusqu’à en égarer leur identité propre.

Une identité que Jacques Sales leur rend aujourd’hui avec un malin plaisir.

« étude sur les Cascarots de Ciboure », de Jacques Sales, 62 pages, 16 euros. Disponible sur les plateformes Internet de vente en ligne, à la librairie Louis-XIV de Saint-Jean-de-Luz et en libre consultation dans les bibliothèques de Saint-Jean-de-Luz et Ciboure.