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Cher Banban,
Merci d’ouvrir ce fil de discussion sur la Ténarèze (comme je le vois, un peu l’épine dorsale de la Gascogne). Il se trouve que je collecte des références sur cette voie (il n’y a pas beaucoup, j’en ai trouvé moins d’une dizaine, pas plus ).
Mais d’abord, première question : d’où vient ce nom ? L’étymologie généralement acceptée est le chemin de César" itinerem cesarem " . Pourquoi pas. Mais franchement elle ne me parait pas satisfaisante, sachant que César n’a jamais daigné franchir la Garonne.
Il se trouve qu’il y en a une autre … celte !. Elle a été proposé en 1868 par un certain Pérez de Casteras ( Revue de l’Aquitaine, 1868 p169) . Une origine celte pour nommer cette antique route ! Je devine les vives réactions que cela va provoquer dans Archéolandes. Je cite cet auteur :
ÉTYMOLOGIE DE TËNARÈZE
« Monsieur le Directeur,
Je veux parler de l'étymologie du mot TANAR ZE ou Ténarèze. Votre savant collaborateur accepte résolument l'opinion assez générale qui voit dans le mot Ténarèze une corruption des deux mots latins cesaris iter. Cependant, je viens aujourd'hui proposer une étymologie nouvelle, je la soumets à votre appréciation.
La Ténarèze est le chemin qui, traversant une partie de l’Armagnac fait communiquer la vallée de la Garonne avec les Pyrénées. Il est très rationnel de croire que les populations qu'il dessert l'ont nommé Chemin des Pyrénées. C'est justement la signification de ces mots Chemin de la Ténarèze.
Il y a une étymologie qui n'est pas contestée (que je sache du moins, mais je sais bien peu de choses), c'est celle qui fait dériver Pyrénées de pur ou pyr feu et de enne montagne.
Or en celte, tan signifie feu et arre est un des mots qui dans la même langue signifie montagne.
Les Bretons ont appelé la montagne par excellence, la chaîne qui parcourt de l'est à l'ouest la presqu'ile armoricaine, de St-Meen, près Rennes, jusques à Carhaix, près Chàteaulin, ce sont les montagnes d'Arrée. Le mot tan arre est donc la traduction littérale du mot pyrénées. Remarquons que dans les deux cas on a dit feu montagne dans le même ordre.
Le Chemin de la Ténarèze n'est donc autre chose que le Chemin des Pyrénées. Ce mot de Ténarèze a plus de deux mille ans, il indique des volcans en activité et ils étaient éteints longtemps avant notre ère. Le peuple qui seul crée les mots n'a pu appeler montagne de feu des montagnes qui n'avaient plus de feu.
Ce mot s'est donc conservé plus de vingt siècles sans aucune modification (les désinences n'ont aucune importance) si ce n'est peut-être un e substitué au premier a, mais j'affirme que j'ai souvent, il y a 40 ou 50 ans, ouï des riverains de la vieille voie prononcer tanarèze, de même que l'on disait fréquemment aussi le Chemin de la Tanarèze au lieu de la désignation plus brève Tanarèze. »
L’auteur reconnaît qu’il sait peu de choses ( en effet…, des volcans dans les Pyrénées ???). Mais, comme lui, je trouve qu’il « est très rationnel de croire que les populations qu'il dessert l'ont nommé Chemin des Pyrénées ». Si l’on suit cette hypothèse rationnelle jusqu’au bout, le nom « Ténarèze » serait donc la forme moderne du nom primitif de ces montagnes … que l’on appelle aujourd’hui les Pyrénées.
Une origine celte pour nommer ces montagnes ! Je devine les vives réactions que cela va provoquer dans Archéolandes. Je fais référence au très intéressant fil de discussion ouvert le 6/6/2005 sur ce site : « L’euskara, première langue d’Europe », et en particulier à l’article qui l’ouvrait. Les linguistes capables de déceler des origines basques ou vasconnes dans les noms de rivières ou de vallées ne manquent pas sur ce forum ( je pense notamment à Euzkaldun ). Peuvent ils en déceler dans le nom « Ténarèze » ?
L’enjeu est de taille….
Merci d’avance pour leurs réponses.
Amicalement
Paul
PS : Tant que j’y suis : idem pour l’Izote et l’Auzoue, ces rivières qui bordent cette voie sur des dizaines de kilomètres. Surprenant ce « z » ! D’où qu’il vient ?
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Bonjour et bienvenue ici,
merci pour cette contribution.
Je me méfie beaucoup de certaines étymologie de toponymes réalisées a posteriori, c'est à dire en ne considérant que la forme aboutie de l'éovultion du nom, sans tenir compte d'éléments des plus importants que sont :
_ les premières formes attestées
_ la prononciation locale
Il est indéniable que l'on puisse trouver des toponymes en Gascogne dont la racine n'est pas Aquitanique. Mais de là à rechercher systématiquement comme c'était le cas à la fin du XIXe siècle, une preuve de la Celticité d'un territoire donné à partir de raisonnements alambiqués (et au final, assez peu recevables), il y a une différence. De Paniagua a même réussi à le faire pour tenter de prouver que les Grecs avaient colonisé la Gascogne!
Si je ne connais pas les hypothèses liées au toponyme "ténarèze" (et malheureusement, ayant déménagé, mes bouquins sont dans des cartons), je ne trouve pas curieux ni douteux de voir dans celui-ci une contraction de "itinerem cesarem" pour au moins deux raisons.
La première, c'est que les mots évoluent à partir du latin parfois de manière très particulière en fonction des prononciation locales : ainsi la commune landaise de Lipostey; qui pourrait deviner aujourd'hui que ce nom est dérivé de Lucus Posterius? Pourtant, les textes médiévaux puis modernes permettent de prouver et suivre ce curieux cheminement. Autre cas landais, celui de Labouheyre, attesté Herba Faveria au Moyen Age dans les textes, prononcé par ses habitants de manière beaucoup moins orthodoxe pour en arriver là.
La seconde raison répond à ce qui vous gêne le plus : le fait que le toponyme renvoie à César. Aucun problème là-dessus : les toponymes sont rarement des noms imposés par une personne extérieure (hors cas de fondations de villes, villages, paroisses castrales, conquêtes...), mais sont généralement issues d'une appropriation de l'espace environnant par une population donnée. Par exemple, au moment des défrichements médiévaux coordonnés par les monastères (ou d'autres plus récents), des enceintes protohistoriques à remparts de terre sont apparues de manière plus visibles, dégagées de leur végétation. A qui croyez vous qu'ont été attribués ces puissants ouvrages défensifs? Pour une mentalité médiévale lettrée (moines), forcément aux romains : amusez-vous un jour à répertorier les "Camps de César" ou les "Camps romains" dans les campagnes, vous serez surpris du résultat. Un groupe humain nomme les lieux par des référents connus par ce même groupe, le groupe nomme pour lui-même, pas pour les autres. Le fait qu'un groupe nomme une route aussi visible que la Ténarèze, Chemin de César (toponyme attesté ailleurs) ne me choque pas : ce groupe interprète ce qu'il voit et que César soit passé par là ou pas n'intervient en rien.
Enfin, pour la présence du "Z", Banban a déjà répondu avec sa verve toute gasconne!
cordialement,
Hervé Barrouquère.
PS : la notion de "celte" ne me dérange pas, tout dépend de ce que l'on y met derrière. Prochainement, je mettrai en ligne un passage du dernier ouvrage de Chouquer, spécialiste de l'archéogéographie, sur l'utilisation du mot "celte" par nos contemporains. Cet ouvrage, que je conseille, se nomme "Traité d'archéogéographie. La crise des récits géohistoriques", éditions Errance, 2008.
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Cher Hervé,
Vous avez raison. Restons sages. Tenons nous en pour l’instant à l’hypothèse latine. Va donc pour le chemin de l’itinéraire de César. Comme toujours, il faudrait remonter le plus loin possible jusqu’aux sources, retrouver les plus vieilles mentions écrites. Voilà les références jusqu’à présents collectées sur le thème de la Ténarèze. Il faudrait ensuite se procurer tous ces articles, puis vérifier les sources de certains de ces érudits ( en particulier les abbés Breuils et Médan qui semblent les références les plus souvent citées) qui leur permettent d’affirmer :
1) qu’il s’agit d’une antique voie, bien antérieure aux romains,
2) que ce nom provient bien du latin iter cesarum.
Bibliograhie provisoire ( à complèter par qui voudra bien) :
Bulletin de la Société Archéologique du Gers:
(tables auteurs et matières accessibles sur le site de cette société)
Duffau. 1920. Trafic commercial par la Ténarèze au XVIIIème siècle, p117-118,
Aragon-Launet 1954. Images de la Ténarèze de Sos à Lannepax, p170-174
Samarran, 1981, Ténarèze, p119
Revue de l’Agenais :
( les 63 premiers numéros scannés et accessibles sur Gallica)
Bastard C, Duffaud J. 1912. Les découvertes de Sos. p 1
Bourousse de Laffore J. 1880. Notes historiques sur des monuments ou des sites religieux du département de Lot-et-Garonne (suite) . p81
Mommeja J. 1912. Le vicomte de Métivier et les premières découvertes archéologiques du pays des Sotiates. p 16
Tholin G. 1896. L’oppidum de Sotiates d’après s M Camoreyt e l’Abbé Breuils .p 57
Revue de Gasgogne
(tables par auteurs et matières éditées en 1973, scannée entièrement par Google Recherche Livres)
Breuils A. 1888. Quelques grottes préhistoriques de la Ténarèze, p. 385
Breuils A. 1888. Note sur l’oppidum des sotiates , p399
Breuils A. 1889. Grottes préhistoriques de la Ténarèze, p. 483
Breuils A. 1891. Ténarèze p 548
Breuils A. 1896. La construction et l’entretien des routes en Gascogne au moyen age , p 433
Médan L. 1910. Une traversée des Pyrénées centrales à la fin du XVIIème siècle.Robinson Crusoé en Gascogne, p 385-419
Médan L. 1926. L’horizon pyrénéen à Eauze, p 145
Revue de l’Aquitaine
(quelques numéros sur Gallica)
Perez de Casteras. 1868. Etymologie Ténarèze. p 169
Site web
pour l’instant, on ne trouve que des eaux-de-vie, des offices de tourismes et des restaurants, mis à part ce site très documenté qui concerne la partie pyrénéenne de cette voie :
Carrière P. http://pagesperso-orange.fr/cirque.de.b … deplan.htm
Amicalement
Paul
PS : me voilà bien marri avec ce modérateur, que vaut il le mieux faire d’après vous : l’ignorer ? lui répondre avec une « verve gasconne » puissance mille ?
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Bonjour,
voilà une bien belle bibliographie qui pourra servir à beaucoup, merci.
Concernant notre modérateur Banban, ne vous méprenez pas sur ses intentions, je pense qu'il n'y avait nulle hostilité dans son message. De plus, les échanges avec lui peuvent amener à des réflexions des plus constructives. Mais il est vrai que dans le Sud-ouest, a fortiori en Gascogne et Euskal Herria, c'est souvent de manière "directe" (et c'est un euphémisme) que l'on exprime ce que l'on pense, quitte parfois à choquer ou surprendre (quand il ne s'agit pas d'ailleurs du but recherché).
cordialement,
Hervé.
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T'inquiète pas Polo (je me permet c'est ma verve Gasconne ) ça n'était pas méchant du tout d'autant plus que je n'y connaît absolument rien sur le sujet! d'où le peti smaïlé ! Merci pour la défense Hervé!
Amistats a tots! Bin'.
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