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#1 2006-02-02 20:35:19

archeolandes
Administrateur
Date d'inscription: 2005-03-09
Messages: 1124

Taillebourg

M. J. Chapelot* m'a très gentiment fait parvenir il y a quelques semaines, deux publications particulièrement éclairantes sur l'histoire du site de Taillebourg, dont la question se pose encore pour savoir s'il fut un établissement viking au Haut Moyen Âge, et sur la navigation sur la Charente durant le Haut Moyen Âge et le début du Bas Moyen Âge :
_ "Le pont et la chaussée de Taillebourg (Charente-Maritime) : l'histoire complexe d'un grand aménagement médiéval" dans les actes du colloque international La rivière aménagée : entre héritages et modernité. Formes, techniques et mise en oeuvre, tenu à Orléans les 15 et 16 octobre 2004 et publié dans La rivière aménagée : entre héritages et modernité, Aestuaria n°7, 2005.
_ "Navigation et ports fluviaux dans la moyenne Charente, de l'Antiquité tardive au XIe siècle d'après l'archéologie et les textes"(avec Eric Rieth) dans les actes du XXXVe Congrès de la SHMES (La Rochelle, 5 et 6 juin 2004) Ports Maritimes et ports fluviaux au Moyen Âge, publié dans l'ouvrage du même nom, Publications de la Sorbonne (série Histoire ancienne et médiévale, 81), Paris 2005.
Le premier article, de 54 pages, est instructif et Jean Chapelot a le mérite de clarifier l'hypothèse d'installations vikings durables en vallée de la Charente, qui reposaient principalement jusque là sur une interprétation abusive du toponyme Taillebourg. Le croisement des sources historiques et archéologiques permet d'étudier et comprendre le peuplement de manière rationnelle, sans à priori ou théories fumeuses à vérifier à tout prix sur le terrain...Mais ces deux articles nous font avant tout découvrir tout un pan de l'histoire des techniques de la navigation fluviale et de l'occupation du sol qui en découle, à travers cet exemple régional aux portes de l'Aquitaine.


*pour information, J. Chapelot est directeur de recherche au CNRS.


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#2 2006-06-01 20:34:45

archeolandes
Administrateur
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Messages: 1124

Re: Taillebourg

message de J. F. Mariotti (qui me pardonnera j'espère la suppression des deux autres messages identiques édités sur ce forum) replacé ici :
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Droit de réponse à l'article « Le pont et la chaussée de Taillebourg (Charente-Maritime) : l'histoire complexe d'un grand aménagement médiéval », écrit par Monsieur Chapelot et publié dans le numéro 7 de la revue Aestuaria (« La rivière aménagée : entre héritage et modernité »).

Il n'est pas question de remettre en cause les interprétations historiques émises par Monsieur Chapelot car chaque chercheur est libre d'émettre n'importe quelle hypothèse et de critiquer le travail de ses collègues. Il nous apparaît cependant nécessaire d'apporter les précisions suivantes :

1) Nous n'avons jamais affirmé qu'un établissement scandinave avait existé à Taillebourg. La découverte d'objets d'origine scandinave dans le corpus mobilier issu du fleuve nous a seulement permis de réexaminer une hypothèse émise par l'historien André Debord en 1984, et citée par Jean Chapelot et Eric Rieth en 1995 : « La présence presque permanente de ceux-ci (les scandinaves) dans la région est certaine à partir de 845. En 863, ils remontent le fleuve jusqu'à un point inconnu mais on sait qu'ils pillent alors Saintes, Angoulême, Périgueux, Limoges, allant même jusqu'à Clermont-Ferrand en 864. En 865, ils sont toujours installés dans la vallée de la Charente (Debord 1984 : 49-55) » (extrait de E. Rieth, J. Chapelot, DAF n° 48, 1995, p. 128).
Rien ne permet, dans l’état actuel de nos connaissances, de confirmer ou d’infirmer de façon certaine que si une base fixe scandinave a existé, elle se trouvait à Taillebourg. La discussion reste donc ouverte en attendant de nouvelles données archéologiques. Les objets d'origine scandinave sont suffisamment rares en France pour qu'on ne les mette pas de côté lorsqu'ils sont découverts. L'étude du site de Taillebourg - Port d'Envaux n'est d'ailleurs pas du tout centrée sur cette problématique : elle a pour objectif une approche diachronique et interdisciplinaire d'une portion de fleuve. Le décalage entre la pauvreté des textes concernant la période considérée (la majorité des vestiges découverts datent d'une période allant du 6e au 10e siècle), et la richesse des vestiges préservés dans le lit du fleuve à cet endroit et en bien d'autres points autorise, et même doit nous pousser à élargir le champ des hypothèses. C'est sur cette base, entre autres choses, que reposent le progrès et l'acquisition de nouvelles connaissances dans nos disciplines où, chacun le sait, les schémas établis peuvent parfois être remis en question par une seule découverte. La densité des vestiges mis au jour à Taillebourg - Port d'Envaux, et leur nature (à ce jour, 17 pirogues, 3 épaves assemblées, une digue destinée à faciliter le passage d'un haut-fond, un probable aménagement de berge, de nombreux objets liés aux pratiques halieutiques), nous incitent à interpréter ce site comme un port fluvial dans tous les sens possibles que peut recouvrir cette définition. Les données collectées sur le terrain  (sous l'eau et sur les berges) permettront de préciser justement comment pouvait s'organiser une zone dédiée à des activités intimement liées au fleuve, détails que ne recèlent pas les rares textes concernant le haut Moyen Âge.

2) Les recherches effectuées sous l'eau se font dans le cadre d'une prospection et non d'une fouille, dans le but de comprendre l'agencement de l'ensemble des vestiges. La plupart d'entre eux affleurent d'un niveau argileux car le site est en cours d'érosion. La recherche s'effectue comme en archéologie terrestre, dans un carroyage constitué de gabarits rigides, qui permet le relevé de tous les vestiges découverts par différentes méthodes (triangulation, ortho-photoplan, dessin au cadre). Ce type de carroyage d’une maille de 2 m a été mis au point par Louis Bonnamour au début des années 1980, pour la fouille de l'habitat protohistorique immergé du Gué des Piles à Chalon-sur-Saône. Il est parfaitement adapté à la forte densité de vestiges et aux mauvaises conditions de visibilité avec lesquelles nous devons travailler (le site de Taillebourg - Port d'Envaux est à 8 m de profondeur). La couche superficielle de sédiment, constituée de vase et de coquillages, est évacuée lentement et manuellement à l'aide d'une suceuse (aspirateur hydraulique) ; les éléments repérés sont topographiés puis prélevés. Immédiatement après la plongée, les relevés subaquatiques sont reportés sur ordinateur pour vérification. Ce n'est qu'après cette succession d'opérations que les carrés prospectés et les rejets des suceuses sont passés au détecteur de métaux, ceci afin de vérifier la présence d’éventuels objets non repérés et, en second lieu, de décourager les pilleurs. Cette action est restreinte au sommet de la couche argileuse qui contient tous les vestiges. Les objets repérés de cette façon sont également topographiés avant leur prélèvement. Cette procédure a été validée par la CIRA (Commission Interrégionale de l'Archéologie à laquelle nos rapports sont soumis chaque année) et se déroule dans le cadre d'une autorisation spécifique demandée chaque année. Il reste à préciser que la majorité des objets métalliques, parmi lesquels figurent de petits éléments (par exemple, un anneau d'origine scandinave et une enseigne de pèlerinage), ont été trouvés non pas au détecteur mais au moment du décapage manuel. Le site de Taillebourg - Port d'Envaux est le premier gisement médiéval du fleuve Charente à livrer des objets de si petites dimensions, ce qui peut laisser penser que la méthode employée n'est pas aussi mauvaise que veut bien le laisser entendre Monsieur Chapelot. Il dénonce une absence d'observation stratigraphique et de contexte archéologique probablement par méconnaissance du cadre dans lequel nous travaillons et des méthodes spécifiques mises en oeuvre. Nous ne lui en tenons pas rigueur car nous savons combien il est difficile de décrire des faits ou des procédures en se fondant uniquement sur des connaissances théoriques. En mai 2004, deux micro-sondages ont été pratiqués avec une autorisation, et ont donné lieu à des relevés stratigraphiques (figure 19 du rapport intermédiaire de prospection 2004). Ces observations, ainsi que celles des sédiments superficiels, croisées avec les datations systématiques des bois et du mobilier collectés, montrent bien que nous avons affaire à un site complexe, en cours d'érosion, occupé et aménagé probablement de façon continue pendant toute la première partie du Moyen Âge. Le réemploi de bois plus anciens dans une structure de berge n'en simplifie pas l'analyse, mais montre que les archéologues que nous sommes doivent s'adapter à ce type de site bien particulier et rarement exploré de façon exhaustive. Le projet collectif de recherche et la prospection subaquatique sont des opérations menées en étroite collaboration avec des personnels du DRASSM, du SRA Poitou-Charentes, de l'Université de La Rochelle (prospections géophysiques des berges) et intègrent des étudiants et des bénévoles. Il nous paraissait important d'apporter ces précisions afin que trois ans de travail collectif ne soient pas réduits en quelques lignes à une simple opération de collecte désordonnée de mobilier archéologique dans une publication d'actes de colloque. 


3) Dans un souci de diffusion des connaissances, qui a toujours été le nôtre, les derniers résultats des datations obtenus sur les bois collectés à Taillebourg - Port d'Envaux, ainsi que les plans de répartition du mobilier et une première analyse des pirogues découvertes sur le site pendant les campagnes de prospection 2001, 2002, 2003 et 2004 seront prochainement publiés. Le manuscrit d'un article a été rendu au cours de l'automne 2005 à la revue Aquitania qui le publiera dans les délais nécessaires à la procédure habituellement suivie par les revues scientifiques (examen par un comité de lecture, retour aux auteurs avec les observations des lecteurs, prise en compte des remarques et corrections). Une contribution sera également publiée dans les actes du colloque Ikuwa de Zurich. Une première monographie est prévue à la fin des autorisations triannuelles de la prospection subaquatique et du projet collectif de recherche (fin 2006). Nous sommes par ailleurs flattés du grand intérêt accordé aux deux notices de deux pages chacune publiées dans le catalogue de l'exposition A la table des moines charentais - Archéologie de l'alimentation monastique en Charente et Charente-Maritime au Moyen Âge (sous la direction d'Eric Normand et Cécile Treffort, Geste éditions, 2005, p. 54-55 et 65-66). Cet ouvrage ayant été réalisé dans un cadre collectif, celui du PCR Conditions d'implantation monastique en pays charentais, la traduction de la charte sur laquelle Monsieur Chapelot s'attarde n'est pas de notre fait ; notre collègue historienne et latiniste Cécile Treffort l'avait attentivement vérifiée avant de nous la transmettre, sachant que des notices de catalogue d'exposition sont trop courtes pour accompagner les citations de toutes les nuances souhaitées. Elle a d'ailleurs répondu à Monsieur Chapelot sur ce point, en maintenant après vérification dans les ouvrages de référence et auprès d'autres collègues que sa traduction n'est pas un contresens mais une des multiples possibilités qui s'offrent pour comprendre une expression latine polysémique.

4) Nous ne sommes pas les auteurs des articles de presse cités en référence par Monsieur Chapelot aux notes de bas de page n° 18, 26, 29, et nous n'en sommes aucunement responsables. Ces articles ont été écrits à la suite de diverses manifestations (conférence, présentation de l'exposition sur le patrimoine fluvial européen à Saintes, journée publique d'information sur le projet collectif de recherche). Les journalistes auteurs de ces articles ont le droit d'exprimer des opinions et de faire des commentaires qui n'engagent qu'eux-mêmes, même s'ils ne reflètent pas toujours la réalité de la recherche.
Il est cependant étonnant, que des articles de presse régionale deviennnent des sources bibliographiques de référence pour un chercheur. Il appartient aux lecteurs de faire preuve d'esprit critique.

En résumé on peut simplement relever qu'il est  aussi difficile d’affirmer une présence scandinave permanente sans avoir trouvé des traces archéologiques : « la présence  presque permanente des scandinaves dans la région, est certaine à partir de 845…En 865, ils sont toujours installés dans la vallée de la Charente » (J.Chapelot – E. Rieth DAF n° 48 1995, Navigation en milieu fluvial au XIes., page128), que d’affirmer son contraire en présence cette fois-ci d’objets vikings avérés : « rien ne permet de soutenir la présence d’un camps Danois à Taillebourg » (J. Chapelot Actes du colloque : la rivière aménagée décembre 2005. Le pont et la chaussée de Taillebourg, page 194).





Annie Dumont, coordinatrice du projet collectif de recherche Approche archéologique, environnementale et historique du fleuve Charente à Taillebourg - Port d'Envaux. Etude interdisciplinaire et transchronologique du lit mineur et des berges. Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines (Ministère de la Culture) - UMR 5594.
Jean-François Mariotti, responsable de la prospection subaquatique à Taillebourg - Port d'Envaux, Service Régional de l'Archéologie de Poitou-Charentes (Ministère de la Culture) - UMR 5594.


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